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Corps de femme

Corps de femme

Pablo Néruda, Corps de femme (et vingt poèmes d’amour) :

Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l’attitude du don te rend pareil au monde.

Je ne lis pas l’espagnol, mais comme pour Borges, c’est une langue où la poésie des mots se suffit à elle-même :

Cuerpo de mujer, blancas colinas, muslos blancos,
te pareces al mundo en tu actitud de entrega.

À l’ombre des jeunes filles en fleur

À l’ombre des jeunes filles en fleur

« Mais la caractéristique de l’âge ridicule que je traversais — âge nullement ingrat, très fécond — est qu’on n’y consulte pas l’intelligence et que les moindres attributs des êtres semblent faire partie indivisible de leur personnalité. Tout entouré de monstres et de dieux, on ne connaît guère le calme. Il n’y a presque pas un des gestes qu’on a faits alors, qu’on ne voudrait plus tard pouvoir abolir. Mais ce qu’on devrait regretter au contraire, c’est de ne plus posséder la spontanéité qui nous les faisait accomplir. Plus tard on voit les choses d’une façon plus pratique, en pleine conformité avec le reste de la société, mais l’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. »
— Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur

Je referme le deuxième volume de La recherche du temps perdu avec un sentiment familier mais toujours étonnant. On dit communément Proust difficile, alambiqué et intellectuel, le genre de lecture donc qu’on prendra comme un effort d’hypôkhagneux ; dont tout être normalement constitué s’épargnera les interminables subordonnées et la sensibilité défraîchie si « un sadique ou un imbécile » (comme dirait l’autre) ne les lui impose pas.

Pourtant, en se tenant face à l’œuvre, dans l’intimité de la lecture, ce roman est tout ce qu’il y a de plus accessible, de plus humain, de plus universel. Je ne reviens d’ailleurs pas de ce que ce message diffamant fasse de l’ombre à la vérité : les Jeunes filles en fleur est probablement le grand roman français de l’adolescence (pourquoi n’y a-t-il aucun prof pour vous dire des choses comme ça dans les lycées ?), et le narrateur, dans son effort de mémoire pointilliste et exhaustif, un équivalent hexagonal de Werther ou d’Holden Caulfield.

L’œuvre n’est pas sans défauts : particulièrement attristante pour moi est l’idéologie fin-de-siècle (et début du suivant) que Proust admet et illustre involontairement ; d’abord par une grande indulgence pour l’antisémitisme, considéré le temps de quelques pages comme le plus raisonnable des a priori. Puis, tandis qu’il décrit avec une subtilité bouleversante (et indémodable) les émois de son narrateur pour la petite bande d’Albertine, Andrée, Gisèle et Rosemonde, Proust fait par ailleurs preuve d’une homophobie glaçante, offrant le rôle le plus détestable du roman à un vieil inverti pervers et honteux (il paraît que cela ne s’arrange pas par la suite). Certes, il ne faut pas plaquer des valeurs contemporaines sur une époque révolue, tout ça, mais chez un franchouillard nazillon comme Céline, tout cela me fait rire. En revanche chez un homosexuel invétéré et juif, ce degré de « haine-de-soi » (j’imagine bien que la notion est anachronique) est stupéfiant. (Et ce que j’ai trouvé sur le sujet sur Internet ne m’a pas donné à penser que tout ceci soit totalement ou partiellement du second degré.)

A l’exception de ces quelques pages, A l’ombre des jeunes filles en fleur est un roman délicieux, d’une finesse d’analyse rarement égalée, plein de trouvailles poétiques et d’aphorismes sociologiques inimitables, et surtout absolument pas un livre exigeant.

« Pour les belles filles qui passaient, du jour où j’avais su que leurs joues pouvaient être embrassées, j’étais devenu curieux de leur âme. Et l’univers m’avait paru plus intéressant. »
— Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur

Scott Fitzgerald

Scott Fitzgerald

« The test of a first-rate intelligence is the ability to hold two opposing ideas in mind at the same time and still retain the ability to function. »

— F. Scott Fitzgerald

A poem about tea

A poem about tea

Hail, Queen of Plants, Pride of Elysian Bow’rs!
How shall we speak thy complicated Pow’rs?
Thou Won’drous Panacea to asswage
The Calentures of Youths’ fermenting rage,
And Animate the freezing Veins of age.

To Bacchus when our Griefs repair for Ease,
The Remedy proves worse than the Disease.
Where Reason we must lose to keep the Round,
And drinking others Health’s, our own confound:
Whilst TEA, our Sorrows to beguile,
Sobriety and Mirth does reconcile:
For to this Nectar we the Blessing owe,
To grow more Wise, as we more Cheerful grow.

Whilst fancy does her brightest beams dispense,
And decent Wit diverts without Offense.
Then in Discourse of Nature’s mystick Pow’rs
And Noblest Themes, we pass the well spent Hours.
Whilst all around the Virtues’ Sacred Band,
And list’ning Graces, pleas’d Attendants, stand.

Thus our Tea-Conversation we employ,
Where with Delight, Instruction we enjoy;
Quaffing, without the waste of Time or Wealth,
The Sov’reign Drink of Pleasure and of Health.

— Nahum Tate, The Tea-Table, from Panacea : a Poem about Tea (1700)

Nahum est aussi le librettiste du Dido & Aeneas de Purcell.

Mais j’ai voulu être ainsi, je te le jure

Mais j’ai voulu être ainsi, je te le jure

« Mais j’ai voulu être ainsi, je te le jure, j’étais contaminé par les mots, j’ai continué de l’être longtemps après la fin de mon adolescence, j’ai cru que j’aimais le nomadisme et la solitude parce que c’étaient des mots prestigieux, ornés des majuscules de la littérature. »
— Antonio Muñoz Molina, Le royaume des voix

« La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et (quelques grandes exceptions mises à part) reste facilement compatible avec un certain conformisme. »
— Marguerite Yourcenar, Préface de 1963 à Alexis