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This week’s longreads (week 34, 2013)

This week’s longreads (week 34, 2013)

« There are at least three themes which are utterly taboo as far as most American publishers are concerned. [Besides Lolita,] the two others are: a Negro-White marriage which is a complete and glorious success resulting in lots of children and grandchildren; and the total atheist who lives a happy and useful life, and dies in his sleep at the age of 1o6. »

« Nothing is more exhilarating than philistine vulgarity. »

«But after all we are not children, not illiterate juvenile delinquents, not English public school boys who after a night of homosexual romps have to endure the paradox of reading the Ancients in expurgated versions. »

— Vladimir Nabokov, On a book entitled “Lolita”

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Laurie Penny, Of course all men don’t hate women…New Statesman, august 2013
DISCUSSED: semantic squabbling, rotting cauliflower, a wall of defensiveness, simple sexual equality

Laura Agustín, Prostitution Law and the Death of WhoresJacobin Magazine, august 2013
DISCUSSED: stigma and disqualification, prestige for helpers, how to manage the women, essentialist notions of morality, fixing sexual relations

Vladimir Nabokov,  On a book entitled “Lolita” – Encounter, april 1959
DISCUSSED: the copulation of clichés, æsthetic bliss, philistine vulgarity, a book as a constant comforting presence, les amours de milord grosvit, a second-rate brand of english

This week’s longreads (week 33, 2013)

This week’s longreads (week 33, 2013)

What’s a « longread » ?
A: Longreads can be any story over 1,500 words—this includes long-form journalism, fiction, book excerpts, historical texts, interview transcripts, screenplays, and academic or science papers. Pretty much any outstanding reading that can be enjoyed on a couch, a commute, or an airplane.

My answer : longreads are the real journalism.

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Michael Lewis : Did Goldman Sachs Overstep in Criminally Charging Its Ex-Programmer? – Vanity Fair, september 2013
DISCUSSED: high-frequency trading, erasing one’s bash history, a twenty-four hour crash course on computer programming, paucity of informed outsiders, secret sauce

Adrian Nicole LeBlanc : The Comedian Comedians Were Afraid Of – New York Magazine, may 2012.
DISCUSSED: patrice o’neal, stand up, malcolm xxl, white guilt, insults

Ryan Jacobs : The Strange Sexual Quirk of Filipino SeafarersThe Atlantic, august 2013
DISCUSSED: brazilian prostitutes, tiny plastic balls inserted in the penis, upward mobility, asserting masculinity

John Mahoney : The Notorious MSG’s Unlikely Formula For SuccessBuzzFeed, august 2013
DISCUSSED: monosodium glutamate, 100 fucking percent sure, racist undertones, the North Korea of glutamate, an ethnically neutral sandwich, david chang

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Also, (anonymous) quote of the week: « The plural of anecdote is not data. »

Samouraï

Samouraï

« Matters of great concern should be treated lightly. Matters of small concern should be treated seriously. »
Hagakure, le « livre secret des Samouraïs »

(voir aussi : Ghost Dog)

The soul of wit

The soul of wit

Dans le Contre Sainte-Beuve, ensemble d’idées éparses qui mèneront à la Recherche du Temps Perdu et qui ne sont publiées que très postérieurement au décès de Marcel Proust, l’auteur démarrait l’une des premières sections comme ceci :

Au temps de cette matinée dont je veux fixer, je ne sais pourquoi, le souvenir, j’étais déjà malade, je restais levé toute la nuit, me couchais le matin et dormais le jour. Mais alors était encore très près de moi un temps, que j’espérais voir revenir, et qui aujourd’hui me semble avoir été vécu par une autre personne, où j’entrais dans mon lit à dix heures du soir et, avec quelques courts réveils, dormais jusqu’au lendemain matin.

Comme on le sait, ces deux phrases deviendront cet incipit fameux, celui du premier volume de son roman, Du côté de chez Swann :

 Longtemps, je me suis couché de bonne heure.

Il n’y a probablement rien à ajouter sur l’intérêt de la brièveté en littérature (et activités approchantes).

Anticorps

Anticorps

Il ne vous reste que quelques jours, jusqu’à dimanche en fait, pour aller voir l’exposition impressionnante d’Antoine d’Agata (de l’agence Magnum) à Paris. Prostituées du mexique, de Phnom Penh ou des fichiers de police américains, charniers et ruines de Libye ou Palestine, émigrés de Sangatte, visages tordus de douleur et/ou de plaisir, cellules de prisons ou chambres de bordels, l’installation nous plonge dans un espace dont les quatre murs sont couverts du sol au plafond des résultats de plus de vingt ans d’errances radicales aux confins de la violence quotidienne que l’homme inflige à l’homme. Ce n’est pas pour tout le monde, mais cela n’a rien à voir avec bien des « propositions » fadasses, qu’elles soient conceptuelles ou photographiques, des galeries parisiennes.

face à l'oppression que génère l'abondance d'images stéréotypées, et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu

Une oeuvre qui évoque discrètement certaines des plus pertinentes fulgurances de Guy Debord, et se place sous la tutelle plus visible de cette citation de Michel Foucault, en exergue du programme fourni à l’entrée :

« La marge est un mythe.
Cette illusion de croire que l’extrême nous parle à partir d’une extériorité absolue…
Rien n’est plus intérieur à notre société, rien n’est plus intérieur aux effets de son pouvoir que la violence.
Autrement dit, on est toujours à l’intérieur. »

Weird in a different way

Weird in a different way

« La forme d’une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel » — Baudelaire

Je relance ce weblog tombé en déshérence avec l’intention de partager avant tout mes découvertes et plaisirs musicaux, à travers vidéos et morceaux en streaming. Les encouragements à explorer livres, films, expositions… ainsi que les liens occasionnels vers d’autres contenus intéressants seront également présents, mais à fréquence moindre. J’espère limiter le contenu éditorial n’ayant pas de rapport avec ces sujets ; nous verrons.

J’inaugure cette approche ressérée par la publication de mon “top 2012” : mes albums, expériences culturelles au sens larges, et (nouveauté !) expériences gustatives, préférés parmi la production ou les découvertes de l’année passée.
Et pour reprendre en fanfare, un extrait de mon album favori de 2012, celui de Divine Fits, la réunion étincelante de Britt Daniel, en pause de Spoon et dont c’est le sixième album excellent d’affilée, et de Dan Boeckner, ex- de Handsome Furs et de Wolf Parade. Les chats ne font pas des chiens.

Corps de femme

Corps de femme

Pablo Néruda, Corps de femme (et vingt poèmes d’amour) :

Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l’attitude du don te rend pareil au monde.

Je ne lis pas l’espagnol, mais comme pour Borges, c’est une langue où la poésie des mots se suffit à elle-même :

Cuerpo de mujer, blancas colinas, muslos blancos,
te pareces al mundo en tu actitud de entrega.

À l’ombre des jeunes filles en fleur

À l’ombre des jeunes filles en fleur

« Mais la caractéristique de l’âge ridicule que je traversais — âge nullement ingrat, très fécond — est qu’on n’y consulte pas l’intelligence et que les moindres attributs des êtres semblent faire partie indivisible de leur personnalité. Tout entouré de monstres et de dieux, on ne connaît guère le calme. Il n’y a presque pas un des gestes qu’on a faits alors, qu’on ne voudrait plus tard pouvoir abolir. Mais ce qu’on devrait regretter au contraire, c’est de ne plus posséder la spontanéité qui nous les faisait accomplir. Plus tard on voit les choses d’une façon plus pratique, en pleine conformité avec le reste de la société, mais l’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. »
— Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur

Je referme le deuxième volume de La recherche du temps perdu avec un sentiment familier mais toujours étonnant. On dit communément Proust difficile, alambiqué et intellectuel, le genre de lecture donc qu’on prendra comme un effort d’hypôkhagneux ; dont tout être normalement constitué s’épargnera les interminables subordonnées et la sensibilité défraîchie si « un sadique ou un imbécile » (comme dirait l’autre) ne les lui impose pas.

Pourtant, en se tenant face à l’œuvre, dans l’intimité de la lecture, ce roman est tout ce qu’il y a de plus accessible, de plus humain, de plus universel. Je ne reviens d’ailleurs pas de ce que ce message diffamant fasse de l’ombre à la vérité : les Jeunes filles en fleur est probablement le grand roman français de l’adolescence (pourquoi n’y a-t-il aucun prof pour vous dire des choses comme ça dans les lycées ?), et le narrateur, dans son effort de mémoire pointilliste et exhaustif, un équivalent hexagonal de Werther ou d’Holden Caulfield.

L’œuvre n’est pas sans défauts : particulièrement attristante pour moi est l’idéologie fin-de-siècle (et début du suivant) que Proust admet et illustre involontairement ; d’abord par une grande indulgence pour l’antisémitisme, considéré le temps de quelques pages comme le plus raisonnable des a priori. Puis, tandis qu’il décrit avec une subtilité bouleversante (et indémodable) les émois de son narrateur pour la petite bande d’Albertine, Andrée, Gisèle et Rosemonde, Proust fait par ailleurs preuve d’une homophobie glaçante, offrant le rôle le plus détestable du roman à un vieil inverti pervers et honteux (il paraît que cela ne s’arrange pas par la suite). Certes, il ne faut pas plaquer des valeurs contemporaines sur une époque révolue, tout ça, mais chez un franchouillard nazillon comme Céline, tout cela me fait rire. En revanche chez un homosexuel invétéré et juif, ce degré de « haine-de-soi » (j’imagine bien que la notion est anachronique) est stupéfiant. (Et ce que j’ai trouvé sur le sujet sur Internet ne m’a pas donné à penser que tout ceci soit totalement ou partiellement du second degré.)

A l’exception de ces quelques pages, A l’ombre des jeunes filles en fleur est un roman délicieux, d’une finesse d’analyse rarement égalée, plein de trouvailles poétiques et d’aphorismes sociologiques inimitables, et surtout absolument pas un livre exigeant.

« Pour les belles filles qui passaient, du jour où j’avais su que leurs joues pouvaient être embrassées, j’étais devenu curieux de leur âme. Et l’univers m’avait paru plus intéressant. »
— Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleur