Rétrospective 2020 (15) : le Top 5

Rétrospective 2020 (15) : le Top 5

Je n’ai pas classé les 36 albums et EPs marquants que j’ai présenté jusqu’ici : cela n’aurait pas eu grand sens pour moi. En revanche j’ai gardé à part les « cinq » derniers disques qui concluront cette rétrospective, car j’ai voulu souligner parmi cette sélection les œuvres qui m’ont apporté le plus de joie, et que j’aimerai vous encourager à écouter si vous préférer vous concentrer sur un petit nombre de proposition. (Je mets « cinq » entre parenthèses car il y a quelques doublés qu’il n’y aurait pas de sens à séparer.)

SAULT – Untitled (Rise) et Untitled (Black Is)

Il est stupéfiant que le groupe britannique SAULT a réussi à sortir en 2020 non pas un mais deux chefsd’œuvre de néo-soul indie chaleureuse et dansante (et sans tricher, les deux font plus de 50 minutes). Et puis politique, également, en les proposant explicitement comme un accompagnement du mouvement Black Lives Matter. Internet regorge de critiques dithyrambiques et méritées sur ces albums, je ne saurais pas comment en rajouter. Prenez le temps de vous plonger dans ces deux disques majeurs.

(Le groupe cultive un refus marqué du jeu médiatique, leurs noms ne sont pas connus avec certitude, leur site est spartiate, et ils n’ont pas de vidéos officielles sur youtube. Celle-ci est un hommage de fan mais de qualité.)

Joe Pernice – Richard

Joe Pernice est le compositeur et chanteur des Pernice Brothers, groupe indie pop qu’il mène avec son frère Bob depuis la fin des années 90s. Tous leurs albums sont absolument magnifiques, jusqu’au dernier en date, Spread The Feeling (2019). Mais l’année passée c’est par un disque en solitaire, folk et (quasiment) sans instruments autres qu’une guitare acoustique, que Joe Pernice m’a surpris et bouleversé. Je suis revenu (et reviens encore) pendant tous ces mois sombres à la beauté cristalline de ces dix titres, portés par cette voix chaude et fragile, d’une force émotionnelle rare. (L’album Richard n’est que sur bandcamp et à peu près nulle part ailleurs, c’est donc leur player que je propose ici.)

LANE – Pictures of a Century

LANE pour « Love And Noise Experiment », notre meilleur groupe de rock en France actuellement, dont deux ex-membres des défunts Thugs… référence impeccable. Avec ce Pictures of a Century, leur deuxième album, une étape est franchie, et leurs influences Pixies et Wire sont devenues une base solide pour développer un son désormais personnel. J’ai vibré toute l’année sur ce disque publié par l’indispensable label bordelais Vicious Circle, dont chaque morceau est une pépite indé.

Sondre Lerche – Patience

Sondre Lerche était l’auteur d’un ou deux albums charmants au début des années 2000, alors jeune homme romantique et malicieux qui montait sur scène (le Café de la Danse ? je ne sais plus) en se félicitant, pour son premier séjour par ici, d’avoir arpenté les spots de skate-board parisiens durant l’après-midi plutôt que la Tour Eiffel. La suite de sa carrière, plus inégale, m’a moins intéressée. Mais peut-être est-on condamné à revenir vingt ans plus tard à ses anciennes amours… Patience, son nouvel album, nous le fait retrouver plus romantique que jamais, pour une pop indé inégalable aux mélodies splendides et aux arrangements capiteux. J’ai fondu pour ce disque, et les deux morceaux réarrangés pour l’orchestre de la radio norvégienne (en bonus de la version deluxe) sont tout simplement magiques.

Cabane – Grande est la maison et The Remake Series

Thomas Jean Henri fut le batteur subtil et polymorphe de Venus sur leur premier album Welcome To The Modern Dancehall (2000) (monument injustement ignoré de la musique populaire européenne, c’est dit), et son naturel généreux et d’une radicale modestie en fit à l’époque l’interlocuteur désigné des plus inconditionnels de leurs fans, dont votre serviteur (ridiculement intimidé, soit dit en passant). J’ai donc depuis suivi de loin en loin ses multiples vies, avec une tendresse mutuelle dont je rougis parfois. Lorsqu’il se remit à enregistrer il y a quelques années, après divers détours, c’était pour de charmantes vignettes à la guitare folk, arrangées magnifiquement pour cordes par Sean O’Hagan des High Llamas, et chantées par les ami.e.s fidèles agrégés durant ces années, rien moins de Bonny Prince Billy et Kate Stables (de This Is The Kit). Ces chansons vinrent à nos platines lentement mais sûrement, par 45 tours précieux vendus en éditions… limitées par la modestie proverbiale de Thomas, qui nous permirent d’apprivoiser à notre rythme ce nouvel univers et d’en tomber amoureux. Enfin en 2020, il y eu assez de matière pour réaliser un album, le très précieux Grande est la maison. Je fus extrêmement heureux de constater le grand succès de ce disque, bien au-delà du petit groupe des fans et amis de Thomas, qui l’a propulsé dans les coups de cœur annuels de nombreuses personnes, de multiples nationalités et bien plus objectives que moi (et même en n°1 du top 100 général des rédacteurs du magazine Magic).

Et puis, parce qu’il conçoit je crois la musique comme un cadeau plus qu’une carrière, Thomas nous a offert en fin d’année un disque compagnon, The Remake Series, où il a proposé à divers amis de réenregistrer les morceaux de leur choix de l’album. (Les amis en questions comprenant entre autres, pour ma plus grande joie, son camarade au sein de Venus : Marc A. Huyghens.) C’est évidemment un objet pour fans, mais d’une grande générosité et tout aussi bouleversant que son grand frère.

— Fin —

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