Désaccordé

(Et vous me direz s’il ne s’agit pas là du plus bel article jamais publié dans Le Monde…)

En attendant Joao

Sur sa chaise andalouse, la chemise ouverte, il se sent « a gusto« . Il est l’ombre portée du cri des flamencos. Il susurre. Sa diction est d’un maître d’élocution. Il laisse traîner les « z », redouble les syllabes. Il chuinte dans le micro comme on embrasse une fille d’Ipanema. Il prononce « Brasil » en un frisson. Il passe un accord par note et une note par émotion. Et toujours, tel Erroll Garner mais en douceur, en glissant, cet infime retard de la main (la batida) sur la voix. Juste pour dire que le monde est en déséquilibre, mais les poètes s’en occupent.

Aujourd’hui, lancement officiel de la Déclaration de Paris contre la grande corruption étatique, initiée par Eva Joly.

Tiré du nouveau livre de l’ancienne Juge d’Instruction, et cité dans les Inrocks de cette semaine :

Pourtant, la société Elf n’a pas concentré, de 1990 à 1993, tous les délits présumés de l’ensemble des élites dirigeantes du pays. Notre enquête est comme un sondage grandeur nature, une carotte terrestre qui révèle les sédiments enfouis en profondeur. Rapprochée à d’autres affaires en cours, elle confirme l’ampleur d’une culture de la corruption où la transgression de la loi n’est même plus un enjeu.

— tiré de Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre?, Eva Joly & Laurent Beccaria, Les Arènes. « Par décision de justice, la sortie du livre, prévue initialement en France le jeudi 19 juin 2003, est différée au lundi 7 juillet 2003. Les Editions des Arènes ont décidé de faire appel. »

Dans le Monde, un extrait (édifiant) du livre.

Le Ministre de la « Justice » du gouvernement Raffarin/Sarkozy, M. Perben, le Président de l’Assemblée Nationale, Jean-Louis Debré, et l’avocat d’Alfred Sirven, sont de concert pour trouver la parution du livre « regrettable » et « commerciale ».

PS: toujours Le Monde : La justice suspend la parution du livre d’Eva Joly

La décision de retarder ou d’interdire la publication d’un livre est rarissime en droit français, notamment avant même sa parution et lorsque le tribunal n’a pas même pris connaissance de son contenu. La dernière décision de ce type remontait à 1996, quand la justice avait retiré de la vente un livre du docteur Gubler, le médecin de François Mitterrand, pour violation du secret médical.

Jérôme, 11.06.03 : …il n’y a pas d’acte de peindre qui ne se fasse pas dans l’histoire de la peinture, et c’est pour ça qu’on éprouve plus de mélancolie que de désir (sexuel, au début) devant une fille dont la présence nous bouleverse, parce que c’est une brèche ouverte dans notre histoire, notre façon d’appréhender la beauté depuis toujours, c’est de l’ordre du discours – et du discours de l’invisible avec nous-mêmes qu’on trouve tout à coup matérialisé dans l’embrasure d’une fenêtre lors d’une fête épuisante quelqu’un qui nous parle vraiment.