Archives de
Category: blogging

Discussions générales, liens…

Hot Takes / #01 2024

Hot Takes / #01 2024

Je relance les Hot Takes en déclinaison plus libre.

Beach Fossils – Bunny (2023) – USA – 14/20 – indie pop – Très bon album jangle et pop, de vraies chansons superbement troussées, belle production. Très recommandé.

Used – Sensationalize (2023) – Allemagne – 13/20 – power pop – Belle surprise que cet album proposé par deux frères blonds comme les blés. De jolis harmonies vocales et des compos classes. Juste un peu long peut-être.

Harp – Albion (2023) – USA – 14/20 – dark folk – Harp est le projet (quasi) solo de Tim Smith, qui avait quitté Midlake peu après leur excellent Trials of Van Occupanther. Plus de quinze ans ont passé, et on retrouve enfin le génie que l’on pouvait y constater, en un versant un peu plus sombre. Très bon.

SPRINTS – Letter To Self (2024) – Irlande – 13/20 – post-punk – Que de groupes irlandais notables depuis quelques temps. Ce premier album des jeunes SPRINTS se laisse agréablement écouter, avec de cools morceaux jusqu’à la fin.

Bill Ryder-Jones – Iechyd Da (2024) – UK – 15/20indie pop – Sublime collection de morceaux d’une belle élégance, arrangements de cordes parfaits, et la pochette est magnifique.

Cabane – Brûlée (2024) – Belgique – folk – Certains morceaux de cet album m’avaient bouleversés lors d’une session d’écoute collective, il y a quelques mois. C’est un grand bonheur de les retrouver gravés sur disque, tout comme de lire les nombreuses critiques dithyrambiques dans la presse culturelle pour le travail de Thomas, qui les mérite absolument. C’est un album intemporel, de pur artisanat, avec des voix d’or (Kate Stables de This is the Kit, Sam Genders de Tunng), où chaque note est le fruit d’un patient travail.

Un génocide par internet

Un génocide par internet

Meta/Facebook a joué un « rôle déterminant » dans la capacité du Myanmar à mener à bien le génocide du peuple Rohingya (musulman). C’est un envoyé du Conseil des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme qui le dit.

Erin Kissane analyse et résume les faits, en quatre parties froides, documentées et sourcées par de nombreuses institutions sérieuses et des whistleblowers issus de Meta. C’est terrifiant :

Hot Takes / S41 2023

Hot Takes / S41 2023

The Menzigers – Some Of It Was True (2023) – USA – 14/20 – indie rock/emo – D’excellents morceaux de punk tendre ; la voix de Greg Barnett est toujours aussi émouvante.

boygenius – The Rest EP (2023) – USA – 9/20 – indie songwriters’ supergroup – Leur premier EP (en 2018) était fabuleux ; leur album the record (2023) pas mal ; là je m’endors, même si j’adore Phoebe, Julien et Lucy.

Sufjan Stevens – Javelin (2023) – USA – 19/20 – orchestral folk – Un nouveau chef-d’œuvre de Sufjan, la fusion idéale du parfait mais minimaliste Carrie & Lowell (2015) et de ses bouleversants albums de pop chambriste des débuts.

Kurt Baker – Rock’ N’ Roll Club (2023) – USA – 13/20 – power pop – Le prolifique Kurt Baker qui est l’une des valeurs sûres de la power pop actuelle fait ici le job. Des morceaux qui rockent bien, pas de tromperie sur la marchandise.

Jeremy Dutcher – Motewolonuwok (2023) – CAN – 17/20 – singer/songwriter – Après un sublime premier album en 2018 (Polaris Prize), Dutcher (membre des Premières Nations et two-spirit) a réalisé un deuxième opus encore meilleur et encore plus maîtrisé. Totale beauté.

Metric – Formentera II (2023) – CAN – 14/20 – indie rock électronique – A ce stade le talent de Metric ne fait plus aucun doute et ce deuxième volet du dyptique Formentera ne déçoit pas.

The Dollyrots – Night Owls (2023) – USA – 15/20 – punk/power-pop – Aucune ambition révolutionnaire mais 40 minutes de rock féministe à chanter sous la douche, exécuté à la perfection.

Squirrel Flower (2023) – USA – 16/20 – indie rock/singer songwriter – Encore un excellent recueil de morceaux crunchy par Ella Williams, après I Was Born Swimming (2020) et Planet (i) (2021). Artiste définitivement trop confidentielle.

L’Rain – I Killed Your Dog (2023) – USA – 12/20 – experimental pop/soul – Projet toujours intéressant sur ce deuxième album ; pas sûr que je l’écouterai encore souvent.

Milliseconds – So This Is How It Happens (2023) – USA – 12/20 – indie rock – Du rock indé compétent par la section rythmique du feu et regretté Dismemberment Plan, plus un camarade guitariste. Sympathique ; j’aime beaucoup les illustrations de l’album et des singles.

Pinkshift – suraksha EP (2023) – USA – 14/20 – indie pop-punk – 3 morceaux impeccables du trio mené par Ashrita Kumar, sur leur lignée rock. J’espère un peu plus d’originalité pour la suite (le single in a breath était intriguant), mais ils sont encore très jeunes…

Helena Deland – Goodnight Summerland [AOTW] (2023) – 12/20 – folk – Dans un style qui m’évoque Joan Shelley mais sans atteindre les mêmes sommets, de jolis morceaux tout en cordes en nylon et voix mi-soupirée. Elégant. (Je devrais certainement prendre le temps d’écouter les paroles, d’un niveau certain selon ce que je lis.)

CMAT – Crazymad, For Me (2023) – Irlande – 11/20 – pop – Pas désagréable mais un peu fade, des manières dans le chant qui sont un peu trop « dans l’air du temps ». Préférable à beaucoup de pop commerciale cela dit, et le meilleur morceau en dernière piste c’est couillu.

Tuerie – Papillon Monarque (2023) – FR – 5/20 – rap – Les beats sont cools, je kiffe le flow à la Cuizinier, les paroles (celles que ce pauvre babtou comprends, en tout cas) plutôt marrantes (ambiance daron qui rappe), mais tout ça est un peu superficiel, et franchement le morceau aux punchlines homophobes aux deux tiers, non merci, pas pour moi.

cabane – The Unreleased Series, Pt. 1 (2023) – BE – bedroom folk – Comme à chaque fois, Thomas nous fait cadeau de ses splendides morceaux, et ici de quelques variations du sublime Grande est la maison (2020). Moi je chéris les cadeaux qu’on m’offre, les belles émotions que l’on me donne et les amitiés qu’on m’accorde. La vie est si fugace et les fâcheux tellement innombrables.

(Oui, c’était une sacré bonne quinzaine.)

Blood in the machine

Blood in the machine

« The Luddites wanted an orderly and lawful transition to automation, one that brought workers along and created shared prosperity and quality goods. The craft guilds took pride in their products, and saw themselves as guardians of their industry. They were accustomed to enjoying a high degree of bargaining power and autonomy, working from small craft workshops in their homes, which allowed them to set their own work pace, eat with their families, and enjoy modest amounts of leisure. »

« The erasure of the true history of the Luddites was a deliberate act. Despite the popular and elite support the Luddites enjoyed, the owners and their allies in Parliament were able to crush the uprising, using mass murder and imprisonment to force workers to accept immiseration. »
Cory Doctorow book review of Brian Merchant’s Blood In the Machine

« Immiseration » : paupérisation.

Les serviteurs obscurs

Les serviteurs obscurs

« Les chagrins sont des serviteurs obscurs, détestés, contre lesquels on lutte, sous l’empire de qui on tombe de plus en plus, des serviteurs atroces, impossibles à remplacer et qui par des voies souterraines nous mènent à la vérité et à la mort. Heureux ceux qui ont rencontré la première avant la seconde. »
– Marcel Proust, Le temps retrouvé (cité par Annie Ernaux dans l’avant-propos d’Ecrire la vie)

Taxonomie

Taxonomie

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » – Albert Camus, Sur une philosophie de l’expression

« La logique du révolté est […] de s’efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel. » – Albert Camus, L’Homme révolté

The Covid Roulette

The Covid Roulette

George Monbiot synthétise très bien ce que l’on sait du Covid en 2023 grâce à la science : une maladie grave, aux conséquences à long terme, au mode de transmission aérosol, qui mute très vite, et pour laquelle l’immunité de masse fonctionne de ce fait très mal. L’ignorer par paresse et placer son propre petit confort avant le soin porté aux autres est une attitude résolument égoïste et ultralibérale.

George Monbiot, We are all playing Covid Roulette, The Guardian.

« Now there are even fewer excuses, as we have become more aware of the costs of inaction. One of the justifications for selfishness was that liberating the virus would build herd immunity. But we now have plenty of evidence suggesting that exposure does not strengthen our immune system, but may weaken it. The virus attacks and depletes immune cells, ensuring that for some people, immune dysfunction persists for months after infection. »

L’option Latin

L’option Latin

La bibliothèque en préfabriqué de monsieur L. est notre havre de joie. Je m’en souviens comme si c’était hier : Tolkien était au fond à gauche, sur les étagères du bas, et Charlie et la Chocolaterie un peu plus à droite, juste en face en entrant.

Ce collège pour les prolétaires, il faudra quatre ans pour trouver l’argent pour le reconstruire en dur, quatre années durant lesquelles monsieur L., malgré son jeune âge, promène un air perpétuellement défait. Seuls les livres illuminent un peu son regard déjà perdu. Les livres et, peut-être plus furtivement mais plus intensément, l’évocation de l’Italie. Nous sommes l’option Latin, dont l’effectif se confond avec le club lecture, et puisque notre bibliothécaire parle un italien courant, héritage d’un séjour prolongé et mystérieux de l’autre côté des Alpes, nous décidons qu’il nous accompagnera en voyage scolaire à Rome. Nous sommes à l’âge où un prétexte raisonnable n’est pas encore nécessaire pour rêver.

Tombola auprès des parents et vente de pains au chocolat durant les récrés seront le nerf de notre guerre d’usure des mois durant, et monsieur L. se prend au jeu devant notre détermination, extirpant un plateau de viennoiseries de sa petite voiture tous les matins. Une anticipation discrète semble gagner ses gestes.

Au printemps nous partons enfin. C’est la première fois que je quitte la France, la seule occasion avant longtemps. Au matin naissant nous entrons à Rome, gare de Termini. Les derniers kilomètres de banlieue sont d’une laideur terrifiante à travers les vitres du train de nuit. Mais cela ne fait que souligner le contraste avec les huit jours qui vont suivre : le marbre des fontaines, le soleil du Palatin, les fresques d’un temps insoupçonné, la perfection stupéfiante des églises baroques, l’odeur enivrante des pins, les catacombes énigmatiques et le parfum inédit des glaces « à l’italienne » offertes par un monsieur L. d’une générosité fébrile nourrissent nos coeurs et nos corps hormonaux et maladroits.

La veille du départ, notre accompagnateur confiant nous offre une fin de journée libre. Sans qu’il soit besoin de nous le dire, nous comprenons que monsieur L. a quelque chose à faire, une chose pour laquelle il rassemble son courage depuis notre descente du train, depuis la première fois que nous avons émis cette idée sans gêne de le faire (re)venir à Rome.

Nous errons désoeuvrés, bêtement, comme des ados, dans les rues sans caractère qui entourent notre auberge de jeunesse mussolinienne, et en fin de journée nous rentrons, ivres de liberté. Figé devant nous, silencieux et assis seul à une table de la cafétéria, une bière gigantesque à peine entamée devant lui, monsieur L. a les yeux dans le vides. Les yeux mouillés de larmes.

Le lendemain nous rentrons en France, dans nos préfabriqués.

Monsieur L., où que vous soyez aujourd’hui, j’espère que vous n’en avez pas voulu aux écervelés de l’option Latin, à l’espoir stupide qu’avec l’inconséquence de leurs quatorze ans ils ont fait renaître en vous. Que vous avez trouvé du réconfort en vos livres. Et peut-être, comme moi, dans la perfection bouleversante du piano d’Arturo Benedetti Michelangeli.