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Author: manur

Ça s’appelle Matamore, et c’est un label de disques pop basé à Bruxelles, un de ceux qui font ça « pour la musique », ou plutôt pour une certaine idée de la musique, sans épate ni folklore, juste le fait d’être ensemble, sincères, et de se faire plaisir, une idée que j’aime. Ils publient les créations d’artistes du cru : les attendrissant Raymondo, la douceur intimiste de mes amis Soy Un Caballo, Boris Gronemberger (alias V.O.) dont on ne cesse de me dire du bien depuis des années, la vénéneuse Half Asleep (qui me laisse assez froid mais qui a beaucoup de fans en France et en Belgique), les Some Tweetlove, qui parviennent à me passionner encore avec du post-rock, et plusieurs autres, tout ça à 10 euro par album via leur site.

A la Blogothèque, on leur consacre un grand dossier cette semaine (et quand je dis « on », je veux dire aKa, notre filiale locale), dont je ne suis pas peu fier, avec entre autres plusieurs belles choses sur Soy un Caballo : une longue interview intimiste, un épatant concert à emporter chez les brocanteurs d’Oberkampf et avec des bébés et un calendrier de l’Avent où chaque jour de semaine jusqu’à Noël vont se révéler des cadeaux divers et variés choisis par le groupe. (J’ai développé les pages de ce dernier avec un plaisir qu’on ne connait que lorsqu’on parvient à rassembler deux passions.)

Les parisiens pourront également retrouver plusieurs artistes Matamore (dont V.O. et Soy Un Caballo) en concert ce soir au Centre Wallonie-Bruxelles. (Entrée 10 €)

Mise à jour après concert : J’étais resté sur les premiers enregistrements d’Half Asleep. Valérie a singulièrement progressé depuis ; hier, c’était très beau et parfaitement défendable.

Versac : Messieurs qui nous prenez pour des buzzers

95% des mails que nous recevons d’agences de communication sont insultants. Ils nous prennent :
– soit pour des débiles sans jugement ni capacité à comprendre les attendus de l’envoi (fausse complicité, ton pseudo-djeunz, …)
– soit pour des boutons sur lesquels appuyer (merci de faire un billet sur ce truc qui ne vous intéresse pas)
– soit pour des machines (copie merdique de mail qui n’a rien à voir avec nous, envoi de communiqué de presse inepte et sans introduction)

Je n’ai pas trop ce problème ici, mais à la Blogothèque, toutes proportions gardées, c’est impressionnant le nombre de mails que nous pouvons recevoir nous engageant à écouter des morceaux de ska-hardcore, de teenage-emo, de chanteurs-belges-à-texte, de musique folklorique bretonne, etc., pour en faire l’article… si par miracle nous tombions sous le charme. Des gens qui n’ont jamais lu plus de trois lignes de notre site, mais à qui on a dit que nous étions « influents ». C’est la star-académisation du monde ; peu importe d’être talentueux ou d’avoir quelque chose à proposer : il est nettement plus important de faire parler de soi. Après tout, cela permet de gagner de l’argent sans faire d’études…

Le billet de Versac vient en écho de celui de Laurent « Embruns » à propos d’un totor d’école de commerce nommé Julien Veillon qui le spamme à coup de ces phrases indignes d’un collégien qui passent pour le champ sémantique du « sympa » dans le business de la com’, et ce pour l’encourager à relayer un « buzz » quelconque. Le nom de famille du monsieur a été retiré du billet initial au motif qu’il ne serait que le bouc émissaire de toute une « profession » (« engeance » serait un mot mieux choisi), mais cela me fait essentiellement penser à ces cyclistes pris en flagrant délit de dopage dont la seule défense consiste à clamer que tout le monde le fait et que leur exposition publique serait d’une tendancieuse injustice.

Au collège, weblog d’un enseignant en Seine-Saint-Denis.

Faute de pouvoir expliquer dans leur complexité les tenants et les aboutissants d’un évènement historique, nous risquons, nous professeurs, de devoir nous en tenir à exalter une figure héroïque totalement décontextualisée. Guy Môquet quittera le domaine de l’histoire et des faits pour devenir une espèce d’abstraction exemplaire — un objet susceptible, comme le prouvent ses mésaventures actuelles, de toutes les manipulations, à commencer par celle qui l’amènera directement à l’insignifiance la plus complète.
(…)
Franchement, ce genre de simplification ne figure pas parmi mes pratiques pédagogiques préférées, et elle m’apparaît même dangereuse et malhonnête ; car sans tomber dans le relativisme, je ne crois pas que la tâche de l’école soit de panthéoniser telle ou telle figure dans l’esprit de ses élèves, de les inviter à suivre tel ou tel héros. Je ne suis pas un professeur de morale. Je suis un professeur d’histoire. J’enseigne, j’essaie d’enseigner, la complexité du réel.

Et aussi :

Plus tard, j’ai passionnément aimé le latin. Cette langue morte depuis 1500 ans, qu’écrivaient encore quelques moines du Vatican, ressemblait à un code secret dont la clé se trouvait dans d’interminables tableaux de déclinaisons. Hic, haec, hoc. Hunc, hanc, hoc. Hujus, hujus, hujus. Huic huic huic. Hoc hac hoc. Beauté raide et hoquetante de ces incantations magiques. En m’échinant sur les périodes de Cicéron ou de Salluste, je n’éprouvais aucun sentiment d’inutilité ; il me semblait au contraire que mes efforts finiraient par me faire accéder à un sens que ne bornait ni la langue latine ni l’histoire romaine, mais qui portait au-delà, dans une métaphysique.
Plus tard encore, après le bac, j’ai perdu cette rigueur, j’ai négligé d’entretenir ma mémoire, et je le regrette. Mais je crois que tout ce que ces efforts de jeunesse ont laissé en moi est bon.