Bagatelle pour un tombeau
Je n’ai regardé qu’un court extrait de Comme un Juif en France, hier soir sur France 5. Extrait suffisant pour rappeler ce que furent et ce que sont, au fond d’eux-mêmes, les protagonistes de cet antisémitisme français, dont l’évocation est encore aujourd’hui peu populaire.
En 1944, l’humoriste Pierre Dac, de son vrai nom André Isaac, est à Londres où il anime des émissions sur Radio-Londres. L’éditorialiste pétainiste et haut-fonctionnaire vichyssois Philippe Henriot l’interpelle sur les ondes de Radio-Paris : « Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon, peut bien connaître de la France, à part la scène de l’ABC où il s’employait à abêtir un auditoire qui se pâmait à l’écouter ? La France, qu’est-ce que ça peut bien signifier pour lui ?… »
Réponse cinglante de Pierre Dac :
Puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un : celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l’allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription: « Mort pour la France, à l’âge de 28 ans ». Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France.
Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée :PHILIPPE HENRIOT
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français…
Henriot sera effectivement abattu, un mois plus tard, par un groupe de résistants.