Radical Chic : L’usage de Guy Môquet (c’est moi qui souligne)

Il y a l’homme et il y a la cause ; en offrant une tribune au courage sans s’attarder sur d’autres idéaux, Sarkozy, même s’il est sincère, kitschifie la réalité historique un peu comme Disney, reprenant les contes de Grimm, put en vider toute l’ambigüité. Au prétexte que la voix du jeune assassiné parlera au cœur des jeunes mieux que les manuels d’histoire, on simplifie à outrance et il ne reste plus, d’une période troublée, qu’une émotion propre à la communion de tous, comme un mélo tire-larme. C’est la culture de consensus qui va bien au nouveau pouvoir, quelques signes donnés au peuple, des messages carrés et un regard pudique jeté sur la cuisine des idéologies.

Merci à Guillermo de l’exprimer : s’il est vrai que, dûment replacée dans son contexte, la dernière lettre de Guy Môquet est émouvante, c’est à peu près sa seule qualité. Le Président ami de ceux qui vendent du « temps de cerveau disponible » et plaçant au parangon des ambitions qu’il veut transmettre à ses administrés le « travailler plus pour gagner plus » trouve logiquement qu’il s’agit d’un exemple à enfoncer dans le crâne de tous nos adolescents.
Il me semble pourtant que l’on pourrait trouver, dans cette catégorie des textes de notre corpus à la fois généreux et limpides, quelque chose qui fasse appel à un peu plus qu’à la seule émotion, et également à des aspiration plus nobles. Pardonnez l’anachronisme.
Camus, par exemple, quelqu’un qui contrairement à M. Sarkozy ou à Guy Môquet n’a jamais cédé aux facilités d’un atavisme ou d’une idéologie.
Ou tant qu’à faire, la dernière lettre de Missak Manouchian, chef des FTP – MOI, des étrangers qui se sont battus pour la France et furent pourchassés par la police française de Pétain.
On pourrait même, quelques années plus tard, revenir sur ces évènements avec un texte certes plus exigeant, mais qui conjugue émotion, clarté, intelligence et style : les Strophes pour se souvenir, d’Aragon.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

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