La maison des feuilles
C’est ce qu’on appelle un roman culte ; en usant et abusant ici de ma liberté de parole je suis conscient de prendre le risque d’un lynchage en bonne et due forme par une troupe de fans frénétiques. Mais voilà : à l’issue de la lecture (exigeante) de la Maison des Feuilles je suis passablement déçu.
Le roman pavé de Mark Z. Danielewski est accompagné d’une réputation pourtant flatteuse, due à la fois à son originalité stylistique (encore que Laurence Sterne et ses premiers essais de typographie expérimentale datent du XVIIIème siécle) et à sa pré-publication sur Internet.
L’auteur suit avec fidélité le Premier Précepte du Fantastique Lovecraftien : la peur naît de l’irruption soudaine d’un élément surnaturel dans un contexte par ailleurs totalement emprunt de réalisme. Mais cette formule est utilisée avec tant d’application qu’elle tombe à plat. Les personnages sont désespérement bidimensionnels, malgrès les copieux efforts de l’auteur pour nous persuader du contraire à coup de postulats psycho-sociaux en cascade. Cela n’importe guère dans une nouvelle, mais pour un roman de 700 pages…
Essentiellement, la plupart des mystères soulevés ne seront jamais résolus, laissant en fin de compte le lecteur avec son imagination, procédé narratif qui fut révolutionnaire, je ne sais pas, en 1910 ? mais qui aujourd’hui se contente d’être agaçant (d’autant plus qu’il a affecté — infecté — en grande part le théâtre contemporain, avec encore plus de suffisance).
Le premier tiers du livre atteint à peu près son but en instillant un certain malaise, mais la suite ne fait que se contenter de reproduire inlassablement les mêmes thèmes, avec un lent crescendo dans le dérangeant, ou disons le vélléitaire. (C’est probablement le sens de la spirale logarithmique en couverture.) On peine à ressentir la moindre empathie lorsque le héros retourne s’égarer dans le sous-sol où il s’est déjà stupidement perdu à deux reprises (attitude connue sous le nom de « Syndrome de Kim Bauer »), et un conte sans empathie c’est un peu un échec assuré.
La réussite du livre est cependant le personnage de Johnny, le narrateur paumé, et sa relation avec sa mère folle et défunte. Cet aspect Dickens/Dostoievsky parvient avec plus de succès à jouer avec nos nerfs que les expérimentations typographiques vaines et le Fantastique un brin raté de la Maison des Feuilles.
—
PS: Puisque je suis entrain de dire du mal, l’album d’Electrelane est ce que j’ai entendu de plus poussif ces dernières semaines, avec celui de Cody Chestnutt.
PPS: Dans le top 5 des trucs les plus agaçants au monde, il y a Blogger qui perd l’entrée sur laquelle vous venez de suer pendant 30 minutes. Je préférais la version d’hier soir, plus spontanée et moins prétentieuse. Beuh.