Sur un titre de son nouvel album, Jérôme Attal chante qu’il est un jeune homme changé en arbre, tandis que la photo qui achève le livret montre les jambes d’une vaporeuse jeune fille, vêtue d’une fine robe de lin blanc, qui marche… dans une forêt. Cette jeune fille dont on ne verra pas le visage, La Jeune Fille donc, est bien l’astre autour duquel gravite Jérôme, dandy timide, observateur sarcastique dissimulé derrière les branches (jusqu’à ne faire plus qu’un avec l’écorce des érables) ; autour duquel gravitent le personnage qu’il s’est construit et ses chansons.

Les lecteurs réguliers du journal égotiste de Jérôme savent que le garçon a un style délicieux ; certaines de ces chansons en sont une nouvelle et enthousiasmante démonstration. Juillet Odéon, en ouverture, est la profession de foi léchée de son personnage d’esthète germano-pratin, Audrey Anderson, un exercice d’autodérision à l’humour irresistible, Le jeune homme changé en arbre une (magnifique) ballade au piano, Genoux, hiboux, cailloux la narration d’une adultère platonique dans l’obscurité d’un taxi. Et surtout ces deux formidables morceaux que sont La pornographie, un paroxystique spoken-words houellebecquien dont je pourrai disserter des heures (dans le désordre : la nostalgie, la critique de la vie moderne, le libertinage, les filles et l’amour bien sûr, l’intransigeance feinte, l’adolescence, la précision des mots, une musique hypnotique, la fuite du temps, un final terrifiant), et Les petits doigts de pied de la mélancolie, chef-d’oeuvre faussement anachronique et réellement envoûtant.

Le nouvel album de Jérôme Attal est un des plus attachants qu’il m’ait été donné d’écouter depuis longtemps. La musique, composée avec son groupe brillant, est une électro-pop raffinée digne de Saint-Etienne ou de certains Daho. Les paroles, quant à elles, dépassent de très loin de telles figures tutélaires et tutoient — c’est le nom qui vient aux lèvres à plusieurs reprises — le talent d’un Serge Gainsbourg.

La rencontre de la pudeur, du style et de l’autodérision se nomme l’élégance, c’est la plus remarquable des qualités humaines, et l’album de Jérôme Attal est un bijou issu de ce précieux matériau.

Cet album est autoproduit et n’est pas (encore) disponible dans le commerce. Vous pouvez en écouter quelques extraits et le commander par correspondance en cliquant sur la pochette.

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