La Lenteur
Dans le Kundera de 95, La Lenteur, que j’ai dévoré goulument aujourd’hui — le métro n’a pas que des désavantages — un ou deux passages particulièrement sympathiques :
Au bout d’une demi-heure, ne se doutant de rien, le cameraman est arrivé dans la chambre qu’ils partageaient et l’a trouvée sur le lit, couchée à plat ventre.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Elle ne répond pas.
[Elle s’obstine dans son mutisme, puis l’insulte. Il va se brosser les dents.]
En se gargarisant, le cameraman, homme aussi romantique que pratique, s’est dit que la seule façon de changer l’humeur massacrante de sa compagne est de lui faire l’amour le plus vite possible. [c’est moi qui souligne, bien entendu]
Plus loin :
Le cameraman voit sous ses yeux se transformer complètement le corps de sa maîtresse : ce corps, qui jusqu’alors se donnait à lui avec simplicité et rapidement, s’élève devant lui comme une statue grecque dressée sur un socle haut de cent mètres. Il est fou de désir et c’est un désir étrange qui ne se manifeste pas sensuellement, mais qui remplit sa tête et seulement sa tête, le désir en tant que fascination cérébrale, idée fixe, folie mystique, la certitude que ce corps-ci, et aucun autre, est destiné à combler sa vie, toute sa vie.
Avec Nico, on avait commencé à envisager la fondation d’une Eglise Kunderienne de la Modernité Anti-Moderniste, ou quelque chose comme ça. Faudrait remettre cela à l’ordre du jour.
Sinon, belle belle journée.