Qui a tué Jésus ?

Qui a tué Jésus ?

(En fouillant dans les « brouillons » de ce weblog, je redécouvre ce texte de septembre 2004 que, pour une raison qui m’échappe, je n’avais jamais publié. J’ai pourtant la faiblesse de penser qu’il est très bien… Le voici donc.)

Une fois que le déluge est passé, j’ai envie de passer derrière faire un peu de ménage, prendre mon baton de pèlerin (ah ah) et rétablir quelques vérités historiques, histoire qu’on ne reste pas sur de vieilles idées inexactes et dangereuses, par les temps qui courent.

Les « Juifs » n’ont probablement pas tué Jésus.

Malgré ce que peuvent en dire certains passages du Nouveau Testament, écrit par des premiers chrétiens désireux de convertir et d’être accepté dans l’Empire Romain (le prosélytisme auprès des Juifs ayant dans une large part échoué).

Les Juifs n’ont pas de raison d’avoir tué Jésus, car celui-ci se voulait créateur d’un mouvement réformateur au sein du judaïsme, un mouvement plus radical que celui des grands prêtres du temple de Jérusalem qui avaient trouvé un modus vivendi avec l’envahisseur romain, mais en rien « blasphémateur », notion difficile à défendre sous un judaïsme du Premier Temple friand d’exégèses. Ce qui ne l’empêche pas, à mon sens, d’être éventuellement le « Fils de Dieu » si on le souhaite, bien au contraire.

En revanche, les romains eurent de bien meilleures raisons d’en finir avec Jésus, cet agitateur. Pas un « danger pour l’Empire », comme le persifflent les chrétiens d’extrême-droite pour tenter de décrédibiliser cette évidence, juste un chef de bande local. Même si l’on ne sait pas historiquement quel fut le véritable chef d’accusation porté contre Jésus, il est clair que la crucifixion était un procédé typiquement romain.

Alors, pourquoi cette construction a-t-elle pris corps dans les premiers siècles de l’Eglise ? Essentiellement une histoire de crédibilité vis-à-vis de Rome, encore. Paul, et tous les autres à sa suite, vont réorienter leur missionariat envers les « Gentils », les non-juifs, les judéens refusant de croire qu’un homme mort de ce supplice abject puisse être le dernier prophète envoyé de Dieu. Les plus anciennes versions connues du Nouveau Testament sont en Grec, lingua franca des lettrés de l’époque dans tout l’Empire.

Au milieu du deuxième siècle, les chrétiens sont installés à Rome. Dans l’Empire, le judaïsme a statut de religion, il est toléré, contrairement aux croyances « barbares » païennes. C’est une religio licite. L’appellation est tentante pour les chrétiens. Mais pour la mériter, un argument majeur est de disposer d’un corpus écrit d’un grand âge. C’est pourquoi les livres juifs sont repris pour former l’Ancien Testament.

Cependant, les chrétiens ne peuvent cacher l’évidence : les juifs « originaux » ne se reconnaissent pas dans le nouveau courant de pensée. C’est pourquoi ceux qui croient au Christ balanceront pendant de longues décennies avant de trouver un équilibre entre le rejet et le phagocytage des éléments centraux du judaïsme. Cette schizophrénie allait, presque inévitablement, conduire à cette idée que les Juifs ont tué Jésus, et qu’ils ont trahi leur Dieu, qui est désormais le nôtre. C’est l’idée, qu’avec euphémisme on qualifierait de « polémique », de Verus Israel.

Bien évidemment, pour les catholiques romains les plus bornés, tout ce qui est exposé ci-dessus est une hérésie digne du bûcher. Il est difficile de trouver sur le web des textes qui ne soit ni stupidement anti-cléricaux, ni dogmatiques, mais ils existent. La tâche est simplement difficile : vous avez à faire à des gens qui croient le plus sérieusement du monde que l’on peut décider par décret que le Pape a toujours raison.

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