La nouvelle (et probablement pas dernière) « affaire Houellebecq »

Plateforme, son dernier roman, est à peine sorti que la polémique bat son plein. C’est bien, il va en vendre un maximum…

Vous vous rappelez peut-être de ce camping New Age du Sud-Ouest, rapidement cité dans Les Particules Elémentaires, qui avait porté plainte contre Houellebecq pour cela, et perdu le procès subséquent.

Et voilà que ça recommence, et c’est encore plus hilarant.

Dans Plateforme (un roman), vers la page 60 un des protagonistes de l’histoire jette quelques mots condescendants sur le Guide du Routard, traitant l’équipe qui s’étale en quatrième de couverture de « connards humanitaires protestants » pour dénigrer vigoureusement un tourisme sexuel qui motive une part de leur vente et inspire leurs réclames. Bref.

Dimanche 12 août, Philippe Gloaguen, le patron du Routard à qui l’on a rien demandé, s’empare de l’aubaine, et suivant probablement ses inclinations de danseur (voir La Lenteur) médiatique, s’exprime dans le JDD et s’outrage de l’insulte qu’on lui fait. C’est incroyablement con, et il esperait sûrement en sortant de là que la France était en vacances, mais manque de chance, toute la presse reprend l’information et rapporte sa vertueuse indignation.

C’est là que ça devient grandiose. Plutôt que de se faire oublier, le gars s’enfonce et choisit pour cela un grand journal de référence, à savoir Télé 7 Jours (n°2153, du 1er au 7 septembre 2001, p. 18, en kiosques). Un petit encart en-dessous d’une photo de Guillaume Durand torse nu dans l’eau en Corse, mais un sens du grotesque absolument divin, à étudier dans les écoles. Je cite quelques passages de la tirade du bretonnant croquant :

[…] Il s’agit d’une question beaucoup plus grave, celle de l’esclavage des enfants. […] son propos est révoltant. Je refuse qu’on banalise l’horreur. […] c’est de la prostitution. Pire, de l’esclavage. […] Le vrai débat, c’est la dignité des femmes. [ et le pompom revient à cette exclamation sortie du coeur : ] je précise qu’aucune de nos collaboratrices n’a envie de dîner avec Messieurs Dutroux, Emile Louis ou Houellebecq !

Si c’est pas grandiose comme gesticulation autour du vide, comme art de l’insinuation qui tombe à plat, je veux bien me faire geisha…

Mais Michel Houellebecq lui, s’en fout. Il est au-dessus de tout cela et a bien raison. En guise de bonus, T7J nous offre une interview-droit de réponse de l’écrivain (pp. 104-105), où il se paye le luxe d’envoyer au diable son interlocutrice. Houellebecq a bien compris que le magazine télé se contrefout de la littérature et de son roman en particulier (la preuve, ils pourraient tout aussi bien interviewer Amélie Nothomb ou Paulo Coelho, ils n’y verraient même pas la différence — ils l’ont sûrement déjà fait d’ailleurs), en définitive ils cherchent juste à exploiter une polémique et éventuellement se faire de la pub à bon marché si jamais Plateforme obtient le Goncourt cette année. Il va leur en donner pour leur argent, avec un dédain génial.

Pour commencer, ils lui ont envoyé une « France Cavalié » qui, non contente d’être journaliste à Télé 7 Jours (rires) semble être aussi une féministe de supermarché (parfois l’amour-propre compense comme il le peut). L’échange est tordant :

T7J : Philippe Gloaguen bla bla bla bla

MH : Et alors ? C’est mon droit de dire que son guide m’énerve.

T7J : N’est-ce pas de la provocation que de citer nommément les entreprises ou les personnes, comme vous le faites ?

[Cette connasse humanitaire protestante veut dire que le Guide du Routard a le droit de s’imposer dans tout les esprits avec ses pubs de merde en 4 par 3 sur toutes les routes de France avant chaque saison de vacances, mais que le citoyen, le consommateur, l’écrivain n’a pas le droit de citer cette même marque dans un sens défavorable sur la place publique, même en passant. Elle a pas dû lire No Logo, doit y avoir trop de pages.

A partir de là, Houellebecq va répondre absolument n’importe quoi juste pour faire chier la pauvre fille, qui avec sa maîtrise de Lettres Modernes ne s’en est même pas rendu compte et reproduit tout très fidèlement : ]

T7J : Personnellement, qu’est-ce que vous pensez du tourisme sexuel ? [comme si c’était le sujet d’un roman, de savoir ce que l’auteur pense personnellement ? et la taille de ses caleçons ?]

MH : Je ne le connais pas très bien en général. Pour ce qui est de la Thaïlande, les moeurs sont plutôt moins esclavagistes qu’en France. Là-bas, il n’y a pas de proxénétisme. [il faudrait faire une étude de texte sur ces phrases : quel est l’effet de « en général » ? dans quel but prononce-t-il « France », alors que c’est le prénom de son interlocutrice ?.. ]

T7J : A qui osez-vous faire croire cela ?

MH : L’argent gagné par les masseuses leur revient intégralement. C’est une différence clé.

etc etc . la fille plonge à piends joints, au raz des pâquerettes…

Sinon, je l’ai pas encore lu mais je vous tiens au courant.

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