Amoureux d’Anne Frank

Amoureux d’Anne Frank

Anne FrankAfin de traverser le Marais, il aimait faire le court détour qui passait par la rue des Rosiers. Esquivant les rabatteurs des restaurants de falafels et les tracts des missionnaires orthodoxes, il se plaisait à observer les jeunes et souvent jolies ashkénazes américaines, dépaysées dans ce shtetl anti-haussmannien et illuminées par la promesse d’un encas aux réminiscences familiales.
Qui n’a pas été amoureux d’Anne Frank à quatorze ans n’a pas de cœur, rêvait-il, se rappelant de ses séjours à Amsterdam avec un mélange d’horreur et de mélancolie indémêlable. Il imaginait volontiers sa vie ayant pris un tour tout autre, vivant une histoire d’amour avec ces new-yorkaises aux cheveux bruns, peut-être une Shoshanna, peut-être violoniste. Marié, et pourquoi pas converti. Il s’enivrait d’un voyage improbable à Vilnius, sur les traces d’un arrière-arrière-grand-oncle rabbin et fameux, et croyait presque sentir l’odeur d’encens rance de vieilles synagogues lituaniennes miraculeusement préservées par les désastres modernes.
Plus loin, rue des Nonnains d’Hyères, tout cela se dissipait à mesure que la Seine se précisait en contrebas. La vue d’une chevelure blonde et d’une robe à fleur très parisienne le rappelaient à une psycho-géographie plus rationnelle. Il s’engouffrait dans le métro le cœur allégé, emportant avec lui la possibilité enivrante d’une vie différente, le cadeau inépuisable de cette ville.
Le Sonnet

Le Sonnet

« Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas ;

À l’austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle :
« Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas. »

— Félix Arvers, « Le Sonnet d’Arvers » (1833)

Wikipedia : « Aujourd’hui on a du mal à trouver quelques personnes qui connaissent encore le nom de l’auteur et on a de la peine à penser qu’au XIXe siècle non seulement ce poème était sur toutes les lèvres, mais on ne cessait de s’interroger sur l’identité de la femme mystérieuse. »

Etat Civil

Etat Civil

« Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état civil. »
— Michel Foucault, L’Archéologie du Savoir

A sort of fortunate fail

A sort of fortunate fail

« It is possible to think of language as the most versatile, and maybe the original, form of deception, a sort of fortunate fail; I lie and am lied to, but the result of my lie is mental leaps, memory, knowledge… I become human, and increasingly more human, because the acrobatic gift of my lie tears into a truth of another sort. »
— Paul Zweig

Ramen

Ramen

Sophie Brickman, The History of the Ramen Noodle — The New Yorker, may 2014

C’est ce que, souvent, j’ai l’impression que la presse américaine, dans ses incarnations les plus brillantes, est capable de faire, et que la presse française est tellement navrante qu’elle n’a même pas l’idée d’essayer, même pas l’idée que c’est possible.

Etre passionnant et érudit en parlant de quelque chose d’apparemment trivial. Tout en étant drôle, tout en étant respectueux de son sujet. Tout en écrivant avec style.

Pleasant fictions of the law

Pleasant fictions of the law

« There are many pleasant fictions of the law in constant operation, but there is not one so pleasant or practically humorous as that which supposes every man to be of equal value in its impartial eye, and the benefits of all laws to be equally attainable by all men, without the smallest reference to the furniture of their pockets. »
— Charles Dickens, Nicholas Nickleby

Opération Dispersion

Opération Dispersion

Il y a quelques mois, Philippe Dumez se débarassait de sa collection de t-shirts « rock » en les proposant à ses lecteurs, en échange d’une photographie et d’un texte justifiant leur choix. Ces éléments ont été rassemblés dans un fanzine à tirage limité envoyé gracieusement à tous les contributeurs (Philippe Dumez est un garçon généreux). Si vous n’en étiez pas, voici ma contribution :

Partie 1

Partie 2

La photographie me montre, portant l’objet, ainsi que les deux autres t-shirts Death Cab que je possède. (On a les signes extérieurs de richesse qu’on peut.)