Mauvais français
Finkielkraut / Badiou, le face-à-face.
Alain Badiou :
Dès que les considérations identitaires sont injectées dans la politique, dans le pouvoir d’Etat, on est dans une logique qu’il faut bien appeler néo-fasciste. Car une définition identitaire de la population se heurte à ceci que toute population, dans le monde contemporain, étant composite, hétérogène et multiforme, la seule réalité de cette identification va être négative. On ne parviendra nullement à identifier ce qu’est la « civilisation française », entité dont j’ignore ce qu’elle signifie, on va juste clairement désigner ceux qui n’en sont pas. (…)
Pour trouver une boucherie aussi dépourvue de tout sens et atroce que celle de 14-18, il faut se lever de bonne heure. Or elle était strictement articulée sur l’identité nationale, c’est ça qui a fait marcher les gens. Il est très clair que l’identité nationale, référée à une mémoire non divisée et à un consentement héréditaire et familial, n’est que le retour aux catégories fatiguées de la tradition, et ne prépare que la guerre, intérieure contre les « mauvais français », extérieure contre « les autres ».
Qu’on ne se méprenne pas, bien que je partage son opinion sur ce sujet, j’ai une estime très limitée pour Alain Badiou. Quelques échanges plus loin, Finkielkraut (pour qui j’ai une mésestime parfaitement complète) le remet assez justement à sa place sur son cryto-léninisme méssianique qui n’envisage qu’un futur post-lutte-des-classes monolithique et donc forcément totalitaire.