Une traversée de Paris
J’ai réalisé la carte ci-dessous durant ma lecture d’Une traversée de Paris, d’Eric Hazan. Elle pourra être utile à comprendre précisément le parcours décrit, voire à le parcourir.
J’ai réalisé la carte ci-dessous durant ma lecture d’Une traversée de Paris, d’Eric Hazan. Elle pourra être utile à comprendre précisément le parcours décrit, voire à le parcourir.
Charmant petit documentaire (26 minutes), malgré la voix de PPDA, sur cette femme étonnante, hors de son siècle, que fut Alexandra David-Néel, et sa maison à Digne. Véritable intellectuelle, arpenteuse infatigable, anarchiste, féministe, bouddhiste ardente, écrivain magnifique, parfois péremptoire et simpliste comme peuvent l’être les précurseurs fascinés, souvent juste et bienveillante à rebours de son époque, coloniale et guérrière.
Cette petite chose ne fait qu’effleurer tout cela, mais avec une élégance si peu télévisuelle qu’il faut la saluer.
Pour moi, la lecture de l’année au rayon « Musique », ça aura été Bad Vibes, du bad boy Luke Haines (même s’il date de 2009). Des mémoires acides au sous-titre plus qu’évocateur : Britpop and my part in its downfall. Bien sûr, la chute est celle de son groupe, The Auteurs, responsable de trois fabuleux albums dont les deux derniers n’ont jamais atteint les chiffres de vente du premier — sauf en France, oh the shame! pour un englishman, bien plus que celle d’Oasis et ses pairs. Luke Haines n’aime personne, pas les autres groupes anglais de l’époque (les 90s), pas les américains qui restent complètement indifférents à sa musique, pas les gens de l’industrie du disque, et même pas les membres de son groupe — l’un d’eux ne sera même jamais nommé par son nom, juste the Cellist.
C’est extrêmement drôle, jouissif si on a vécu même avec distance les grandes heures de la britpop (Damon Albarn et les frères Gallagher, entre autres starlettes, passent pour des gros cunts), les notes de bas de page sont les plus géniales depuis l’invention de l’imprimerie, et le personnage le plus pitoyable dans tout cela est Luke Haines lui-même, vélléitaire et snobinard, incapable de se contrôler et orgueilleux, mais délicieusement sarcastique comme seul un anglais peut l’être. Et, avec Morrissey probablement, l’un des seuls rockers qui sait écrire avec style.
Dans le Contre Sainte-Beuve, ensemble d’idées éparses qui mèneront à la Recherche du Temps Perdu et qui ne sont publiées que très postérieurement au décès de Marcel Proust, l’auteur démarrait l’une des premières sections comme ceci :
Au temps de cette matinée dont je veux fixer, je ne sais pourquoi, le souvenir, j’étais déjà malade, je restais levé toute la nuit, me couchais le matin et dormais le jour. Mais alors était encore très près de moi un temps, que j’espérais voir revenir, et qui aujourd’hui me semble avoir été vécu par une autre personne, où j’entrais dans mon lit à dix heures du soir et, avec quelques courts réveils, dormais jusqu’au lendemain matin.
Comme on le sait, ces deux phrases deviendront cet incipit fameux, celui du premier volume de son roman, Du côté de chez Swann :
Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Il n’y a probablement rien à ajouter sur l’intérêt de la brièveté en littérature (et activités approchantes).
Waging Heavy Peace est un petit plaisir coupable — pour Neil Young, et pour son lecteur. Les anecdotes s’y enchaînent sans structure, sautant les décennies et les sujets au gré de l’esprit de son auteur, avec un style et une candeur délicieuses. Un chapitre sur les modèles réduits de train suit un chapitre sur l’enregistrement sous substances d’un album des 70s, qui lui-même suit un chapitre sur le projet Pono dans lequel Young engloutit plein d’argent pour essayer de remplacer/améliorer le format mp3 par quelque chose de plus fidèle aux meilleures conditions d’écoute dans les studios d’enregistrement. Tout ça est sans queue ni tête, ce qui garantit assez peu d’interférences d’un écrivain professionnel, mais souvent émouvant car le Loner n’a pas toujours eu une vie facile et reste assez lucide quand sa propre stupidité en fut parfois la cause. Le privilège de ce livre est de vous laisser passer un moment avec un bon copain, par ailleurs immense star, qui évoquerait avec gourmandise sa vie et ses passions dans un rade du sud de la Californie autour d’une limonade (Neil Young est sobre désormais).
En quelques mots : une lecture sympathique pour les fans de longue date et ceux qui (comme moi) continuent de découvrir la carrière protéiforme d’un des plus grands du rock, certainement le plus sincère dans son dévouement à la musique. Je ne peux pas le confirmer, mais on m’a fait savoir que la version traduite en français est catastrophique, ce qui me paraît crédible étant donné le style éminemment idiosyncrasique du livre ; VO recommandée donc.
Une fois accepté cette option de non-linéarité biographique ou même thématique, le défaut du livre est assez logiquement l’absence de vision chronologique et globale de l’oeuvre de Young, et pour ceux qui recherchent plutôt cela je ne peux que recommander ce beau tour d’horizon en deux partie sur The Liminal : Walk On : Neil Young — From the Buffalo to the Pill.
« Clementine », tiré de Americana, l’album de reprise de chansons traditionnelles sorti avec Crazy Horse en 2012 :
Claude Pinault a subi un syndrome de Guillain-Barré. Un sévère, avec d’intenses douleurs neurologiques et presque un an d’immobilisation et de rééducation (pas comme certain petit joueur de ma connaissance).
J’ai apprécié son livre car ce n’est pas le commun du livre de survivant. Il évite largement l’écueil bien pensant type téléfilm américain ou émission de talk-avec-des-vrais-gens : les difficultés tu surmonteras avec stoïcisme pour devenir meilleur et faire un gros hug aux êtres-chers à la fin.
La vie ne se passe pas comme ça, et Claude Pinault est tour à tour anxieux, en colère, vengeur, lubrique, injuste, dépressif, impatient, ému, impuissant. Ce que l’on ressent véritablement dans ce cas, pas la reconstitution didactique avec une morale et une résolution paisible qui se vend mieux.
En plus c’est bien écrit, avec du style et du caractère, et le monsieur a des lettres, des disques et des références culturelles habituellement expurgées ou auto-censurées dans le genre autobiographie-de-rescapé-disponible-en-supermarché. Ce n’est pas toujours facile à lire, mais c’est fait de chair et d’humeurs, comme la vie.