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Category: Carnet noir et rouge

Au début, c’était un carnet noir et rouge… Aujourd’hui c’est un weblog.

Épictète

Épictète

« Accuser les autres de ses malheurs est le fait d’un ignorant ; s’en prendre à soi-même est d’un homme qui commence à s’instruire ; n’en accuser ni un autre ni soi-même est d’un homme parfaitement instruit. »

« Que tout ce qui te paraît le meilleur soit pour toi une loi intransgressible. »
Manuel d’Épictète (IIème siècle ap. J.C.)

Pascal

Pascal

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. »
— Blaise Pascal, Pensées

Pensées pour moi-même

Pensées pour moi-même

« La plupart de nos paroles et de nos actions n’étant pas nécessaires, les supprimer est s’assurer plus de loisir et de tranquillité. Il résulte de là qu’il faut, sur chaque chose, se rappeler à soi-même : “Ne serait-ce point là une de ces choses qui ne sont pas nécessaires ?” Et non seulement il faut supprimer les actions qui ne sont pas nécessaires, mais aussi les idées. De cette façon, en effet, les actes qu’elles pourraient entraîner ne s’ensuivront pas. »
— Marc-Aurèle, Τὰ εἰς ἑαυτόν (livre IV, XXIV)

This week’s longreads (week 43, 2013)

This week’s longreads (week 43, 2013)

« All attempts at world domination begin with weak, evasive, impersonal language. » — George Saunders

Couverture de Lightning Rods, par Helen DeWittIl y a quelques mois je lisais Lightning Rods, d’Helen Dewitt, et chaque nouvelle page tournée me rendait de plus en plus frénétique dans mon admiration pour cet incroyable écrivain, pour ses idées, pour son style, pour sa joie communicative envers le mot, la phrase, le texte. Lightning Rods n’est peut-être pas à mettre entre toutes les mains : l’idée principale creusée par ce roman est que, enrobée dans suffisamment de marketing, de corporate bullshit et de newspeak, une certaine forme de rapports sexuels tarifés et anonymes pourrait acquérir une bienfaisante normalité dans l’espace de l’entreprise moderne, donc de la société. C’est une satire, d’un humour et d’une rigueur littéraire à peine croyables (et donc jouissives — ah ah), une satire du désir masculin, de la religion de la littérature de self-help, de l’esprit business (dans lequel quiconque a déjà été « vendu » par un commercial inculte retrouvera son expérience). Le livre m’a transporté de gloussements de ridicule en roulements d’yeux d’outrage, du haussement de sourcils complice à des réflexions sur le possible, sur la morale, sur le féminisme ; comme tout véritable roman, a fortiori comme toute bonne satire, Helen Dewitt s’y abstient jusqu’à la dernière ligne de tout jugement moral, plongeant avec béatitude et style indirect libre dans les méandres superficiellement rationnels de la pensée de son narrateur, refusant toute position personnelle (sur)plombante.

Mais enfin, tout cela restait sagement de la fiction.

Jusqu’à cet exceptionnel article :

Nitasha Tiku, My Life With The Thrill-Clit Cult — Gawker, october 2013

Je n’ai absolument aucun avis (en dehors du fait que c’est diaboliquement bien écrit et que j’y ai appris de nouveaux mots utiles comme pulchritudinous), et certainement aucun jugement moral. Juste, voilà : il y a en 2013 des gens qui recommandent et pratiquent une forme de stimulation sexuelle au travail.

And now for something completely different.

Marshall Sella, The Year of Living Carlos Dangerously — GQ, november 2013
DISCUSSED: Anthony Weiner’s sexting addiction, a Malaysian cameraman, 125 ideas, pensive Kennedys, Mutually Assured Destruction

Willy Staley, 22 Hours in Balthazar — The New York Times, october 2013
DISCUSSED: a highly efficient, well-oiled potato-chipping machine, 10 000 guests per week, $38 steak frites in SoHo, waiters and busboys, the bass player for Metallica

Joshua Davis, How a Radical New Teaching Method Could Unleash a Generation of Geniuses — Wired, october 2013
DISCUSSED: a place of punishment, mind-numbingly boring teaching, intermittent electricity, curiosity-fueled exploration, kids hacking Android, the highest math score in the country

This week’s longreads (week 34, 2013)

This week’s longreads (week 34, 2013)

« There are at least three themes which are utterly taboo as far as most American publishers are concerned. [Besides Lolita,] the two others are: a Negro-White marriage which is a complete and glorious success resulting in lots of children and grandchildren; and the total atheist who lives a happy and useful life, and dies in his sleep at the age of 1o6. »

« Nothing is more exhilarating than philistine vulgarity. »

«But after all we are not children, not illiterate juvenile delinquents, not English public school boys who after a night of homosexual romps have to endure the paradox of reading the Ancients in expurgated versions. »

— Vladimir Nabokov, On a book entitled “Lolita”

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Laurie Penny, Of course all men don’t hate women…New Statesman, august 2013
DISCUSSED: semantic squabbling, rotting cauliflower, a wall of defensiveness, simple sexual equality

Laura Agustín, Prostitution Law and the Death of WhoresJacobin Magazine, august 2013
DISCUSSED: stigma and disqualification, prestige for helpers, how to manage the women, essentialist notions of morality, fixing sexual relations

Vladimir Nabokov,  On a book entitled “Lolita” – Encounter, april 1959
DISCUSSED: the copulation of clichés, æsthetic bliss, philistine vulgarity, a book as a constant comforting presence, les amours de milord grosvit, a second-rate brand of english

This week’s longreads (week 33, 2013)

This week’s longreads (week 33, 2013)

What’s a « longread » ?
A: Longreads can be any story over 1,500 words—this includes long-form journalism, fiction, book excerpts, historical texts, interview transcripts, screenplays, and academic or science papers. Pretty much any outstanding reading that can be enjoyed on a couch, a commute, or an airplane.

My answer : longreads are the real journalism.

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Michael Lewis : Did Goldman Sachs Overstep in Criminally Charging Its Ex-Programmer? – Vanity Fair, september 2013
DISCUSSED: high-frequency trading, erasing one’s bash history, a twenty-four hour crash course on computer programming, paucity of informed outsiders, secret sauce

Adrian Nicole LeBlanc : The Comedian Comedians Were Afraid Of – New York Magazine, may 2012.
DISCUSSED: patrice o’neal, stand up, malcolm xxl, white guilt, insults

Ryan Jacobs : The Strange Sexual Quirk of Filipino SeafarersThe Atlantic, august 2013
DISCUSSED: brazilian prostitutes, tiny plastic balls inserted in the penis, upward mobility, asserting masculinity

John Mahoney : The Notorious MSG’s Unlikely Formula For SuccessBuzzFeed, august 2013
DISCUSSED: monosodium glutamate, 100 fucking percent sure, racist undertones, the North Korea of glutamate, an ethnically neutral sandwich, david chang

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Also, (anonymous) quote of the week: « The plural of anecdote is not data. »

Samouraï

Samouraï

« Matters of great concern should be treated lightly. Matters of small concern should be treated seriously. »
Hagakure, le « livre secret des Samouraïs »

(voir aussi : Ghost Dog)

The soul of wit

The soul of wit

Dans le Contre Sainte-Beuve, ensemble d’idées éparses qui mèneront à la Recherche du Temps Perdu et qui ne sont publiées que très postérieurement au décès de Marcel Proust, l’auteur démarrait l’une des premières sections comme ceci :

Au temps de cette matinée dont je veux fixer, je ne sais pourquoi, le souvenir, j’étais déjà malade, je restais levé toute la nuit, me couchais le matin et dormais le jour. Mais alors était encore très près de moi un temps, que j’espérais voir revenir, et qui aujourd’hui me semble avoir été vécu par une autre personne, où j’entrais dans mon lit à dix heures du soir et, avec quelques courts réveils, dormais jusqu’au lendemain matin.

Comme on le sait, ces deux phrases deviendront cet incipit fameux, celui du premier volume de son roman, Du côté de chez Swann :

 Longtemps, je me suis couché de bonne heure.

Il n’y a probablement rien à ajouter sur l’intérêt de la brièveté en littérature (et activités approchantes).

Anticorps

Anticorps

Il ne vous reste que quelques jours, jusqu’à dimanche en fait, pour aller voir l’exposition impressionnante d’Antoine d’Agata (de l’agence Magnum) à Paris. Prostituées du mexique, de Phnom Penh ou des fichiers de police américains, charniers et ruines de Libye ou Palestine, émigrés de Sangatte, visages tordus de douleur et/ou de plaisir, cellules de prisons ou chambres de bordels, l’installation nous plonge dans un espace dont les quatre murs sont couverts du sol au plafond des résultats de plus de vingt ans d’errances radicales aux confins de la violence quotidienne que l’homme inflige à l’homme. Ce n’est pas pour tout le monde, mais cela n’a rien à voir avec bien des « propositions » fadasses, qu’elles soient conceptuelles ou photographiques, des galeries parisiennes.

face à l'oppression que génère l'abondance d'images stéréotypées, et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu

Une oeuvre qui évoque discrètement certaines des plus pertinentes fulgurances de Guy Debord, et se place sous la tutelle plus visible de cette citation de Michel Foucault, en exergue du programme fourni à l’entrée :

« La marge est un mythe.
Cette illusion de croire que l’extrême nous parle à partir d’une extériorité absolue…
Rien n’est plus intérieur à notre société, rien n’est plus intérieur aux effets de son pouvoir que la violence.
Autrement dit, on est toujours à l’intérieur. »