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La victime raisonnable

La victime raisonnable

C’est assez connu, mais c’est très beau, et la comparaison est cruelle.

Le 1er septembre 1969 Gabrielle Russier, professeur de français à Marseille, s’est suicidée après avoir été condamnée en justice pour avoir eu une relation amoureuse avec l’un de ses élèves, encore mineur.

Le 22 septembre, Georges Pompidou est président de la République depuis trois mois et deux jours, il organise une conférence de presse. A la fin de celle-ci, les journalistes peuvent lui poser quelques questions non prévues au programme. Jean-Michel Royer l’interroge sur ce « fait divers ». (vidéo INA)

Pauvre vérité

Pauvre vérité

Radical Chic : Pauvre vérité, diamant fragile.

Le « fait » de Zemmour n’est pas une invite à voir la vérité en face, c’est une invite à fermer sa gueule devant la force de l’évidence, et ergo à avaliser le fait que les contrôles au faciès, qui sont théoriquement illégaux, sont une pratique bien naturelle et tellement normale.

L’escadrille de cons qui volent à la défense d’Eric Zemmour à l’aide d’arguments odieux fait peine à voir. Il n’y a qu’un seul argument, et qu’un seul commentaire pertinent, à propos de la sortie du Zemmour, comme de n’importe laquelle de ses interventions publiques, d’ailleurs : la défense de la liberté d’expression. Paraphrasant à peine, j’ai envie de dire : les cons, ça ose tout dire, c’est même à ça qu’on les reconnait. C’est même une justification pratique tout à fait remarquable (à côté des évidentes et décisives justifications philosophiques) de la liberté d’expression.

Ensuite, ce n’est pas parce qu’il a (devrait avoir) le droit de prononcer n’importe quelle idiotie insultante sans risquer son job et son casier judiciaire que nous devons le plaindre et en faire un martyr.

Voilà quand même un Blanc qui vient affirmer que, les statistiques du gouvernement Sarkozy/Fillon (au hasard…) étant ce qu’elles sont, il est normal que les officiers de l’Etat, dépositaires du monopole de la violence physique, pratiquent des discriminations sur les non-Blancs. Que les garants du respect de la loi l’appliquent dans la plus parfaite illégalité. Que le principe de la liberté d’expression serve à justifier le plus jésuistiquement que l’on prenne ses aises avec celui de la présomption d’innocence.

C’est marrant, quand ce sont les conducteurs de grosses cylindrées ou les gros contribuables, les discriminations sont tout de suite beaucoup moins supportables, normales, nécessaires, excusables, naturelles.

Gilles Tordjman

Gilles Tordjman

Bel entretien avec Gilles Tordjman chez Pinkcushion. J’ai certainement lu plus de choses de lui, mais je l’identifie surtout pour avoir été la clef de voute de la seule chose digne du papier sur laquelle elle était imprimée qui ait été publiée par Les Inrockuptibles ces sept ou huit dernières années : le hors-série Léonard Cohen de l’été dernier.

Et puis je crois profondément que la presse culturelle française, dont tout le monde constate le déclin inéluctable, n’est pas victime de l’internet, de l’interactivité ou de je ne sais quoi : elle paie simplement le prix de son abyssale médiocrité. Lisez n’importe quel grand article du Times Litterary Supplement, de la New York review of Books, du New-Yorker ou même, pour rester dans la musique, de The Wire : aucun journal français ne peut prétendre boxer dans la même catégorie. En démocratie, on a le gouvernement qu’on choisit, et la presse qu’on mérite, qu’elle s’affuble des oripeaux également réversibles du progressisme ou du conservatisme.
La nullité, comme le chômage, est un choix de civilisation.

Aussi :

Le simple fait qu’un magazine comme Les Inrocks se soit toujours défié de la musique classique, au seul motif que c’était de la « culture dominante » (entendez ici : élitiste, réactionnaire, guindée, etc.) dit beaucoup sur le conformisme de l’anti-conformisme. (…) La « musique classique » reste « un truc de vieux » aux yeux des faux jeunes encore plus vieux. Le jeunisme est décidément une passion de vieillards.

[Merci à Rom.]

Mauvais français

Mauvais français

Finkielkraut / Badiou, le face-à-face.
Alain Badiou :

Dès que les considérations identitaires sont injectées dans la politique, dans le pouvoir d’Etat, on est dans une logique qu’il faut bien appeler néo-fasciste. Car une définition identitaire de la population se heurte à ceci que toute population, dans le monde contemporain, étant composite, hétérogène et multiforme, la seule réalité de cette identification va être négative. On ne parviendra nullement à identifier ce qu’est la « civilisation française », entité dont j’ignore ce qu’elle signifie, on va juste clairement désigner ceux qui n’en sont pas. (…)
Pour trouver une boucherie aussi dépourvue de tout sens et atroce que celle de 14-18, il faut se lever de bonne heure. Or elle était strictement articulée sur l’identité nationale, c’est ça qui a fait marcher les gens. Il est très clair que l’identité nationale, référée à une mémoire non divisée et à un consentement héréditaire et familial, n’est que le retour aux catégories fatiguées de la tradition, et ne prépare que la guerre, intérieure contre les « mauvais français », extérieure contre « les autres ».

Qu’on ne se méprenne pas, bien que je partage son opinion sur ce sujet, j’ai une estime très limitée pour Alain Badiou. Quelques échanges plus loin, Finkielkraut (pour qui j’ai une mésestime parfaitement complète) le remet assez justement à sa place sur son cryto-léninisme méssianique qui n’envisage qu’un futur post-lutte-des-classes monolithique et donc forcément totalitaire.