Archives de
Author: manur

Geek

Geek

On s’attend généralement à ce que le geek (j’ai une tendresse pour les gens qui prononcent ce mot jique — j’en ai connu) soit un informaticien. Mon expérience personnelle est pourtant nettement négative sur ce point : le véritable geek, avec partition Linux chez lui et qui connaît la signification du symbole « /. », j’en ai somme toute peu rencontré dans les moult services informatiques que j’ai fréquenté. (Je vous arrête : je n’ai pas de partition Linux, ni chez moi ni nulle part.)
En revanche, il est une catégorie socio-économique peu connue où pourtant l’on retrouve — mes études rigoureuses l’ont montré — l’une des plus fortes proportions de geeks connues : j’ai nommé le vendeur de boutique de jeu. Laissez moi vous narrer quelque fraîche anecdote, d’hier au soir.

Fight! deck KaliUn magasin de jeu. Une fois acquis ce que je venais y chercher, j’ai cédé à l’achat compulsifs de deux decks de Fight!, un jeu de combat en temps réel, vaguement basé sur le thème de Street Fighter et des mangas, et qui n’est en définitive qu’une bataille évoluée, mais bien pensée. Dilemme pour votre serviteur : deux decks sont suffisants pour commencer à jouer, mais on doit les choisir parmi six possibilités, chacune avec ses avantages et ses faiblesses.
Notre ami vendeur, le regard vague de l’ermite vivant dans les cavernes de l’Ered Luin et le t-shirt criard à l’effigie de quelque groupe prog-métal médiéval-fantastique, m’expose les caractéristiques des différentes combinaisons raisonnables, tout en triant un tas de 500 cartes Magic par couleur et par extension, trouble obsessionnel-compulsif probablement professionnel.
Il faut me décider. J’opte pour Kali et un autre « personnage ». Toujours urbain, et terrifié à l’idée de passer pour un joueur du dimanche qui refuse de prendre Tiger, « un gros bourrin qui a beaucoup de Hits mais peu de Blocks, pour un jeu agressif », quel que soit ce que cela signifie… toujours urbain donc, je commente mon choix :
– Je crois que je vais prendre Kali ; étant donné que je compte plusieurs demoiselles au sein de mon groupe de joueur, je pense qu’une fille devrait les rassurer.
Le vendeur me toise alors longuement, avant de répondre, mortellement sérieux :
– Ah non ! Regardez, c’est indiqué au dos du paquet : ce n’est pas une fille, c’est un cyborg.

Bloggeur un jour…

Bloggeur un jour…

Kottke propose la liste de ses meilleurs liens de 2005.

Parmi ceux-ci, je découvre 13 things that do not make sense (dans la science d’aujourd’hui). Rayons cosmiques ultra-énergétiques, matière sombre, tétraneutrons, variabilité de la constante alpha, tout ça est passionnant. Et aussi l’effet placebo :

We have a lot to learn about what is happening here, Benedetti says, but one thing is clear: the mind can affect the body’s biochemistry.

Libération : Jules Verne ou le voyage au centre d’un bide retentissant. Visiblement, le spectable « pyrotechnique » inspiré par le Voyage au Centre de la Terre qui a eu lieu au Stade de France il y a quelques jours en a laissé plus d’un sur sa faim.

« Quand je reparle [de cette soirée] à mes filles, c’est [le trajet en] RER qu’elles ont préféré. »

Saisons, le blog Scènes de Fluctuat, s’est fait l’écho de ce four : les frustrations exprimées par les innombrables spectateurs qui laissent un commentaire sont impressionnantes.

La promotion du spectacle avait été assurée durant le vingt heures de TF1, à coup d’images prises lors des répétitions. Le mélange des genres ne nous choque même plus.

[via chryde]

Théologie 101

Théologie 101

Les nourrissons qui meurent sans avoir été baptisés vont-ils en Enfer, comme l’a affirmé Saint Augustin, Père de l’Eglise ? Face à cette affirmation choquante, les catholiques ont longtemps postumé l’existence d’un « limbo », paradis au rabais pour les non-baptisés, dans lequel plus tard Dante n’a pas hésité à convier Virgile, Moïse et Platon. Le New York Times m’apprend cette histoire, et rapporte que 30 théologiens se sont réunis au Vatican ce mois-ci pour conseiller au Pape d’abandonner cette théorie qui n’a jamais été officielle, et admettre que ces enfants rejoignent le Paradis. En effet, depuis Vatican II, « chacun – qu’il soit baptisé ou pas – est éligible au Salut grâce au mystère de la puissance rédemptrice du Christ ».

Il n’y a pas que dans la population que les idées de Le Pen font leur chemin. Dans la droite aussi.

Le chapeau est très drôle, le billet de 404 est très important. (Et j’approuve que l’on nomme un fasciste par son nom).


Phnom Penh Cathedral
Originally uploaded by manur.

Il s’agit de la seule photographie de la cathédrale de Phnom Penh, détruite par le régime Khmer Rouge en 1975, que j’ai pu retrouver sur le net. Cette destruction est certainement un crime mineur, comparativement au reste, mais je ne peux m’empêcher de regretter de ne pouvoir un jour visiter cet étonnant bâtiment, rencontre rare entre la tradition et la modernité.

Certains se réjouiraient presque de cette disparition d’un édifice qu’ils jugent architecturalement raté et urbanistiquement inapproprié, voire représentant « le dernier souffle vicié du colonialisme ». Objections ridiculisées sèchement et avec raison, à mon avis. Doit-on raser le Sacré-Cœur sous prétexte qu’il est grotesque, fruit de vélléités hideusement versaillaises, et marque de la très très méchante Eglise Catholique Romaine ? Les talibans qui le pensent n’ont jamais embrassé de fille en haut d’un beffroi.

Tsunami et aide humanitaire

Tsunami et aide humanitaire

Le débat autour des ONGs et de l’aide humanitaire n’a pas finit de faire couler beaucoup d’encre (même numérique), et je l’aime bien parce que tous les protagonistes sont d’accord pour affirmer que les choses sont plus compliquées qu’elle ne le paraîssent.
Avertissement : ma réflexion n’est ni très aboutie, ni très formalisée. Je note ici mes conclusions commes elles me viennent, sans prétendre à quelque rigueur académique.

Avant toute chose, il me semble que la seule certitude est à répéter fréquemment : nous ne pouvons que très rarement aider dans les situations d’urgence. C’est un fait douloureux, qui nous blesse dans notre bonne conscience, mais lorsqu’une catastrophe ou une guerre surviennent, notre argent n’arrivera jamais à temps pour soulager ceux « qui en ont le plus besoin ». Même Médecins sans frontières, qui pourrait à juste titre être recommandé comme l’organisation à soutenir par ceux qui souhaiteraient aider dans les contextes d’urgence, même MSF le dit dans ce dossier très intéressant de l’Express :

« Les vies sauvées l’ont été par des voisins et des médecins locaux, confirme Pierre Salignon, directeur général de MSF. Nous avons essentiellement soigné des gens qui se sont blessés en retournant dans les décombres de leur maison. »

Abandonnons donc cette mythologie : l’euro que nous donnons ne va être employé, au mieux, que au minimum dans les trois mois, et de plus en plus dans les cinq ans (!) qui suivront notre geste.

Restent des questions aprement débattues actuellement. Numéro un, quel rôle reste aux ONG si elles ne peuvent plus prétendre auprès de leurs donateurs « aller sauver les petits nenfants » ?
La Croix-Rouge propose de financer de longues opérations de développement, concrètement des créations de villages pour reloger les sans-abris, sur cinq ans. Outre les problèmes politico-économiques (les terrains sont pris dans des espaces qui existent, avec des voisinages, et le choix des réfugiés qui ne peut être le seul fait des ONG est potentiellement soumis à un arbitraire local difficile à déterminer, et enfin : relogement ou déplacement opportuniste de population ?), d’autres se demandent si l’urbanisme et la reconstruction sont du ressort de donneurs occidentaux ou des états et des communautés locales. MSF pose la question sur un ton polémique :

« Si la Croix-Rouge était spécialisée dans le BTP, cela se saurait. Ce n’est pas parce que vous avez dix fois plus d’argent que vous êtes plus compétent. »

Pour MSF, la valeur des ONG se situe dans l’entre-deux, après les premières heures de la catastrophe, lorsque l’on peut soulager les souffrances physiques et économiques, mais pas sur le long terme, qui est une affaire de politique et pour lequel gouvernement locaux et grands donneurs occidentaux doivent prendre leurs responsabilités.

Autre débat, l’influence de l’aide sur la société locale. C’est un secret un peu honteux dont on ne se vante pas, mais de nombreuses actions soit d’ONGs soit de l’ONU en Afrique ou en Asie ont créées plus de problèmes qu’elles n’en ont résolues. Une famine annonçée à tel endroit ? On expédie 500 tonnes de surplus alimentaires. Or, la région voisine possède une agriculture, que la présence de surplus mal évalués (et comment le seraient-ils ? — un cargo met quatre, six semaines à arriver) va ruiner en faisant chuter les cours. Préfèrera-t-on envoyer de l’argent pour acheter sur place ? Les prix des fournisseurs vont miraculeusement augmenter en quelques semaines, paupérisant une partie de la population déjà fragilisée par les disettes.
Le Monde : L’examen de conscience des humanitaires

[Les ONG] « dépensent beaucoup pour leurs activités mais également pour leur personnel, ce qui provoque une augmentation du prix du carburant, du ciment, des véhicules, de la nourriture ». Sans parler de la rivalité entre ONG sur le terrain.

Plus polémique et à prendre avec recul, dans l’Express :

Pour Guillaume Kopp, ancien chef de mission d’Action contre la faim à Sri Lanka, le tsunami était «une catastrophe sans crise humanitaire». Il n’a pas été entendu, affirme-t-il, par son organisation. «On nous a envoyé des biscuits nutritionnels dont, nous l’avions dit, nous n’avions pas besoin. Mais, médiatiquement, le don d’un paquet à des mains qui se tendent, c’est une image forte…»

Autre effet pervers, « la reconstruction exacerbe les violations des droits de l’homme préexistantes ». Une ONG a besoin d’agir « vite » et bien, pour rassurer ses donateurs. Un permis de construire, un terrain, la validation d’un appel d’offre nécessitent des démarches administratives en tout genre. Délicat de dénoncer au même moment ce qui se passe sur le front de la politique intérieure, ou les conditions d’attribution de telle ou telle aide…

Enfin, la question la plus actuelle, peut-on réaffecter des sommes en surplus destinées à une catastrophe particulière ? Là encore, la Croix-Rouge Française répond non, estimant que ce serait une trahison de la confiance des donateurs, tandis que MSF s’y montre plutôt favorable, estimant que les humanitaires sont parfois plus conscient des nécessités de l’aide à l’échelle de la planète. Cette dernière position, très critiquée initialement, est soutenue par de plus en plus d’ONG (Médecins du Monde a opéré un revirement remarqué sur le sujet en juillet 2005).

Comment aider efficacement et avec éthique ? Comment ne pas servir d’alibi à des régimes corrompus et notoirement désintéressés par leurs populations les plus fragiles, ni à des gouvernements occidentaux refusant presque tous (Etats-Unis ! France ! Japon !) de tenir leurs promesses d’aides pourtant modestes (même si l’aide pour le tsunami de décembre 2004 fait exception, première historique) ? Comment être professionnels sans être inaccessibles et hautains ? Comment dire la vérité sans s’aliéner des donateurs bercés par une mythologie romantique de l’aide ?
Ce sont quelques uns des enjeux irrésolus de l’aide humanitaire aujourd’hui.