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Author: manur

Versac :

L’accumulation de boulettes par Ségolène Royal semble répondre à une stratégie, qui vise à les distiller pour occuper densément le terrain médiatique tout en s’imposant comme victime de l’establishment. tout le monde rit de la bravitude, de ses bourdes sur X et Y : elle est présent, s’en fiche, et le citoyen retient qu’elle est « comme nous » et que tous ces énarques feraient bien de se la fermer. C’est du grand art.

[via embruns]

Ruined Music / Alan Lulu : I will never cry at night again

Then I heard a song called “Coin-Operated Boy” by the Dresden Dolls. A post modern cabaret punk tune from an unknown Boston band. Beautiful and precise with exactly the kind of lyrics that a preteen about to hit the hormone highway could love. And she did. She devoured the entire album.

« Pope Benedict [XI] sent one of his courtiers into Tuscany to see what sort of a man [Giotto] was and what his works were like, for the Pope was planning to have some paintings made in Saint Peter’s. This courtier, on his way to see Giotto and to find out what other masters of painting and mosaic there were in Florence, spoke with many masters in Sienna, and then, having received some drawings from them, he came to Florence. And one morning going into the workshop of Giotto, who was at his labours, he showed him the mind of the Pope, and at last asked him to give him a little drawing to send to his Holiness. Giotto, who was a man of courteous manners, immediately took a sheet of paper, and with a pen dipped in red, fixing his arm firmly against his side to make a compass of it, with a turn of his hand he made a circle so perfect that it was a marvel to see it. Having done it, he turned smiling to the courtier and said, “Here is the drawing.” But he, thinking he was being laughed at, asked, “Am I to have no other drawing than this?” “This is enough and too much,” replied Giotto, “send it with the others and see if it will be understood.” The messenger, seeing that he could get nothing else, departed ill pleased, not doubting that he had been made a fool of. However, sending the other drawings to the Pope with the names of those who had made them, he sent also Giotto’s, relating how he had made the circle without moving his arm and without compasses, which when the Pope and many of his courtiers understood, they saw that Giotto must surpass greatly all the other painters of his time. »
— Giorgio Vasari, Lives of the Painters, Sculptors and Architects

Du Jihad ou de l’Art de couper les cheveux en quatre

Du Jihad ou de l’Art de couper les cheveux en quatre

Sayyid Qutb (1906-1966), “The America I Have Seen”, Al-Risala (Egypte), 1951 (traduit de l’Arabe) :

In summary, anything that requires a touch of elegance is not for the American, even haircuts! For there was not one instance in which I had a haircut when I did not return home to even with my own hands what the barber had wrought, and fix what the barber had ruined with his awful taste.

Sayyid Qutb vous est probablement inconnu, mais c’est un des intellectuels phares du fondamentalisme musulman (« islamique », disent les handicapés de la syntaxe). Il militait dans son pays (l’Egype) pour l’instauration de la Sharia, la destruction de ce que les gens comme lui nomment « l’influence occidentale », et avait un poste important au sein du délicieux parti des Frères Musulmans. Il pensait que le libre-arbitre est une chimère, placer aveuglément son existence dans les pas de Dieu étant la seule voie raisonnable. Le sommet de son œuvre théorique est constitué de deux publications : les 30 volumes de « Dans l’ombre du Coran », une exégèse exhaustive du Livre Révélé, et les « Jalons » (Ma’alim fi-l-Tariq), son dernier ouvrage. On répète habituellement qu’il a influencé toute la pensée djihadiste moderne, Ben Laden ayant par exemple évolué dans des cercles proches de son enseignement à Djeddah, Arabie Saoudite. Couronnons ce portrait en signalant que la deuxième influence la plus importante revendiquée dans l’œuvre de Qutb (après le Coran) est Alexis Carrel, le médecin français de l’entre-deux-guerres, nobélisé et farouche partisan de l’eugénisme, du pétainisme et du nazisme (démonstrations chez Existential Space et Newsrack).
Sayyid Qutb n’est pas un gars « marrant » ni sympathique, même si le fait d’avoir été assassiné par Nasser en 1966 à la suite d’un procès que certains considèrent comme digne de Moscou n’est pas la meilleure idée qu’a pu trouver le gouvernement libéral égyptien pour résoudre le problème.

Le très bon magazine littéraire américain The Believer (publié par les gens de McSweeney’s) est revenu il y a quelques semaines sur Qutb : The Tourist who influenced the Terrorists (sous titré “How one Egyptian’s bad haircut from a Greeley, Colorado, barber in 1949 provided the ideological fuel for 9/11”). Allez le lire, c’est tordant.
Car pour s’autoriser à parler avec autant de virulence des Etats-Unis, notre intellectuel y a séjourné deux ans, en bourse d’étude dans une bourgade universitaire du Colorado. De retour en Egypte, il y a rédigé le compte-rendu cité ci-dessus pour une revue académique, se libérant de deux années de frustrations subies dans ce milieu si différent du sien. Par exemple, pour y illustrer ses préjugés sur l’intolérable (et blasphématoire) promiscuité sexuelle dans l’Empire du Mal, Sayyid en vient à décrire ainsi ces lieux de débauche que sont les clubs de danse paroissiaux : «The atmosphere was full of desire.» (Il est clair qu’il aurait été difficile de trouver plus orgiaque au cœur du Midwest à la fin des années 40.)
L’article de Qutb a été redécouvert au sein d’une anthologie intitulée « America in An Arab Mirror: Images of America in Arabic Travel Literature« . Il est le plus caricatural, mais loin d’être le seul à révéler la parfaite symétrie entre l’Orientalisme occidental décrit par Edward Said et l’idiotie réciproque des intellectuels orientaux en goguette à l’Ouest. Même approche condescendante du voyageur qui juge l’Autre à partir des critères de sa propre civilisation, considérée comme modèle unique et insurpassable.

On peut considérer l’histoire comme amusante et anecdotique, ce qui montre déjà que l’on a le sens de l’humour. Mais j’ai tendance à y voir également l’illustration que les grands problèmes du monde sont souvent imputables à de parfaits idiots capables de s’affubler du ramage et du plumage intimidants d’un Savoir vide de rationalité.

Message Bottles

Message Bottles

“The strangest case was perhaps that of Chunosuke Matsuyama, a Japanese seaman who was wrecked with 44 shipmates in 1784. Shortly before he and his companions died of starvation on a Pacific coral reef, Matsuyama carved a brief account of their tragedy on a piece of wood, sealed it in a bottle, and then threw it into the sea. It was washed up 150 years later in 1935 at the very seaside village where Matsuyama had been born”.

[Proceedings of the Athanasius Kircher Society]

On peut encore écouter pendant quelques jours l’interview de Rony Brauman sur la matinale de France Inter il y a deux jours. Je le recommande.

Son livre, Penser dans l’urgence : Parcours critique d’un humanitaire, est dans la catégorie non-fiction l’un des meilleurs que j’ai lu durant l’année écoulée.

La première partie, où il revient sur sa jeunesse soixante-huitarde, apprendra plein de choses aux gens de ma génération. Rony Brauman nous raconte Mai et toute la période gauchisante qui a suivi du point de vue inhabituel du simple étudiant anonyme qu’il était (on connait déjà évidemment la version des grands noms qui étaient à la tribune de la Sorbonne, mais cette vision plus prosaïque et critique — c’est le maître-mot du titre du livre — est la bienvenue).

Le reste de l’ouvrage est ensuite consacré à un retour sur les différentes crises, « humanitaires » ou pas (c’est tout l’enjeu pour certaines, comme l’Ethiopie) rencontrées au sein de son parcours professionnel, sans trop s’appesantir sur les grandes réussites de MSF et des autres ONG (qui sont connues), mais en analysant plus longuement les erreurs commises. Elles furent nombreuses, tant du côté des autres ONG (pauvre Kouchner…) que de Rony Brauman, qui ne s’épargne pas, avec une sincérité rare (et sans en faire un fromage).

Si vous cherchez du no bullshit sur un sujet important et qui nous touche tous, cet excellent livre est pour vous.

La Bible de Jefferson est “une tentative [du rédacteur de la Déclaration d’Indépendance américaine] d’extraire les enseignements de Jésus des Evangiles, en supprimant les sections du Nouveau Testament relatant des épisodes surnaturels ainsi que les erreurs d’interprétations supposées des quatre évangélistes”.

Miracles and references to the Trinity and the divinity of Jesus are notably absent from the Jefferson Bible. The Bible begins with an account of Jesus’s birth without references to angels, genealogy, or prophecy. (…) There is no mention of the resurrection.