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06 octobre 2004

AFP (Courrier International) : Les enseignants cambodgiens demandent une obole aux écoliers pour survivre
6 centimes d'euro par élève et par jour, pour compléter un salaire mensuel « inférieur à 30 dollars ».
"Comment quelqu'un peut-il enseigner quand son estomac est vide?" demande-t-il. "En tant que ministre, j'en ai le coeur brisé".
[ posté à 08:07 | perma-link ]  

6 Commentaire(s) :

[ Au ministère de l'Education, Kol Pheng, ministre d'Etat, déplore cette pratique, même si l'Etat ne la réprime pas.
"Ca veut dire que la corruption commence avec nos propres enseignants, à priori des modèles, à un moment où ce pays veut lutter contre la corruption", dit-il."]

Pour peu que les propos du ministre soit correctement rapportés, je perçois un signe fort d'espoir dans cette phrase (ceci dit, je ne connais pas le passé de ce Monsieur Pheng ni ses prises de position relatives à l'histoire du Cambodge)

En effet, si le terme "corruption" peut sembler parfaitement inapproprié pour un occidental (car il est clair que les enseignants en question s'inscrivent dans une logique de survie matérielle), Kol Pheng démontre par ailleurs dans son discours qu'il a parfaitement conscience de la situation plus que précaire du secteur enseignement de son pays.

Sa position est intéressante et courageuse : si la question de la rémunération des enseignants est perçue comme conjoncturelle, il est en tout autrement de la transmission du savoir, processus universel de la société humaine dont il convient de préserver l'éthique quel qu'en soit le prix, et ce même en période de misère. Sa perception du problème et de l'importance sociale de l'enseignant est d'autant plus clairvoyante que le contexte est catastrophique et qu'il se prête fort bien aux tentations démagogiques.

A suivre...

[2004-10-06T09:53:31]

signé Monsieur HUT, le 16/9/05 09:03  

Je sais que ce que je vais dire est une vieille rengaine, mais cela n'enelève rien à sa vérité.
Si les Etats-Unis étaient obligés de dédomager le Cambodge pour les préjudices causés par la guerre dont ils étaient responsables, ils auraient peut-etre un peu plus de ressources les cambodgiens !!

[2004-10-06T13:47:11]

signé yenayer, le 16/9/05 09:03  

Je doute que l'argent puisse réparer l'ampleur des dégats... ne serait-ce que parce que l'argent et l'aide humanitaire, qu'ils proviennent des Etats-Unis, d'Europe, d'Australie ou du Japon, il y en a déjà beaucoup, et que si cela soulage les souffrances, ça ne règle aucun problème de fond.
Ce que pourraient faire les Etats-Unis, avec les autres pays développés, c'est d'une part, puisque l'International Republican Institute finance et dirige l'opposition, lui demander de s'intéresser aux vrais problèmes et d'arrêter d'attiser le racisme anti-vietnamien, et d'autre part de lutter sérieusement contre la criminalité en col blanc, les zones franches et le blanchiment, pas comme l'a fait jusqu'à présent notre Gafi cache misère. Ca changerait peut-être quelque chose à la corruption, qui est ici le vrai problème.

Monsieur Hut, je pense que le ministre est le dernier préoccupé de la situation déplorable des fonctionnaires dans son pays, même s'il ne peut plus faire semblant de l'ignorer, ce qui est certes un progrès. Un poste de ministre s'achète assez cher, mais offre de nombreux moyens de récupérer la mise par la suite...

[2004-10-06T19:40:16]

signé manur, le 16/9/05 09:03  

Je vois... merci de m'avoir donné la bonne grille de lecture, édifiante au demeurant, pour cet article.

Si je puis me permettre, je perçois d'emblée un gros problème dans l'examen des possibilités offertes par l'IRI, issu de la juxtaposition de deux éléments :

1. En tant qu'articulation exécutive du National Endowment for Democracy parrainé par G.W. Bush dont on connaît par ailleurs l'objet et la portée, cet organisme n'est rien d'autre qu'un pôle d'ingérance géostratégique en vue de promouvoir les intérêts américains dans le monde ;

2. Concernant les montages financiers s'inscrivant dans une logique de blanchiment d'argent, le Royaume du Cambodge n'est attractif que pour la phase de recyclage : en cause l'attitude bancaire du pays, peu regardant quant à l'origine des fonds étrangers du moment que la pègre locale touche le commissionnement d'usage (je pense que cela recoupe les récupérations de mise que tu évoques). A ce stade, l'argent a déjà été lavé (donc le principe du mal est déjà consommé), notamment par interventions préalables de sociétés écrans "américaines" et "asiatiques". Or, le recyclage de l'argent sale consiste en premier lieu à reconsolider une multitude de fonds préalablement blanchis, et ce afin de constituer une nouvelle base de réinvestissements propres, dans des secteurs sains. A la lecture de ce que j'ai pu trouver comme documents, le Cambodge semble bien plus considéré aujourd'hui comme une zone de consolidation (banques) que comme une zone d'investissements.

Mais cette tendance pourrait bien s'inverser. L'IRI en particulier, ainsi qu'une portion de la population américaine de façon plus générale, n'hésiteront pas à user de leur influence (colossale, faut-il le préciser) pour que cette nouvelle base de réinvestissements propres soit réinjectée de manière plus intense directement au Cambodge et dans les secteurs économiques traditionnels. Cette technique ultra-usée ouvrirait bien des perspectives commerciales par ailleurs soutenues par le gouvernement américain. Malheureusement, elle ne ferait que généraliser le problème de la corruption puisque les bases du système demeurent sapées en contexte de richesse accrue.

Tout ceci me conduit à penser, mais cela n'engage que moi, que l'entretien du racisme anti-vietnamien dont tu nous fait part est l'un des aspects d'une stratégie d'attente du contrôle des acteurs des transactions de recyclage d'argent sale (ce qui pourra donc difficilement se faire avant les élections de... euh... 2007 je crois ?).

Pour ce qui est du GAFI, il est clair que ses méthodes sont à la criminalité financière ce que Tom & Gerry sont à Bonnie & Clyde. Néanmoins, de là à faire pression sur l'IRI ... j'ai un gros doute.

Je suis moins optimiste, là, soudain.

[2004-10-07T16:03:42]

signé Monsieur HUT, le 16/9/05 09:03  

Il n'a jamais été question que l'argent résolve tous les problèmes. Mais quand on a faim, il faut manger , une fois qu'on a plus faim on peut penser à s'habiller , etc...étape par étape .. jusqu'à penser à aller voir un opéra de Verdi.
C'est même une question de droit et de justice : préjudice subi égal dédomagement !!
Je ne crois pas que les Cambodgiens cracheraient sur un milliard de dollars de dédomagement. :-) . Ca doit dépasser de loin de budget de l'Etat.

Pour le reste, je suis entièrement d'accord avec toi. C'est un problème global, il faut que les américains arrêtent de soutenir les dictatures partout.

[2004-10-08T09:40:21]

signé yenayer, le 16/9/05 09:03  

A yenayer (salut) : je pense qu'on sera d'accord pour dire que si l'argent peut effectivement combler les premières marches de la pyramide de Maslow, il est en revanche impropre à effacer les atrocités commises, lesquelles demeurent dans les corps et dans les esprits. Au delà de la notion de justice, il y a des préjudices irréversibles, et donc pour lesquels aucune action de dédommagement n'est possible, précisément parce-que l'irréparable (à l'échelle individuelle du moins) a été commis.

D'autre part, si la classe dirigeante du Cambodge est corrompue, une subvention financière massive pourrait-elle améliorer la situation des cambodgiens à la hauteur de l'investissement consenti ? Ne servirait-elle pas plutôt de prétexte au versement de pots de vins et à l'obtention déloyale de marchés ?

Il me semble raisonnable de penser que le traumatisme subi ne pourra être digéré qu'avec le renouvellement des générations. Encore faut-il que les leçons de l'histoire soit tirées pour que cela ne se reproduise plus jamais : c'est malheureusement le seul bienfait que l'on puisse réellement retirer d'un génocide. Evidemment, c'est un voeu pieux et naïf de ma part : par exemple, les pays d'Europe se sont bien gardés d'intervenir d'une quelconque manière dans le conflit yougoslave, preuve que la leçon d'histoire de 1939-1945 n'a pas été tirée. Sur ce point, je ne pense pas que nous valions mieux que les Etats-Unis. Nous somems simplement moins puissants.

[2004-10-08T11:09:35]

signé Monsieur HUT, le 16/9/05 09:03  

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